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utilement, et que si l’humanité savait s’organiser sur le principe de la solidarité, — un travail de six heures par jour serait plus que suffisant pour créer le bien-être et l’abondance. Les gens de bonne foi ont reconnu depuis longtemps que son ouvrage est « le premier monument du socialisme moderne ».

Moins rêveur, si c’est possible, fut le fondateur du socialisme et du mouvement ouvrier de notre siècle, Robert Owen (1771-1858). Le premier, il conçut et établit que puisque le savoir humain est le résultat des impressions du milieu extérieur sur les nerfs[1] et qu’il n’y a pas d’idées innées ou préconçues, le caractère de l’homme doit être aussi le résultat des influences du milieu et des conditions sociales dans lesquels l’individu naît et vit. « Alors, dit-il, ce n’est pas l’homme qui est responsable, mais la société et les conditions extérieures. Il faut changer l’ordre social actuel pour alléger les souffrances de l’humanité. » Et pendant toute sa longue vie, il travailla à ce changement des conditions économiques. Dans son usine de New-Lanark, il organisa pour les ouvriers une existence qui, de nos jours encore, serait considérée comme heureuse ; il fonda les premiers jardins d’enfants et soutint Bell et Lancaster dans leurs premiers pas, ainsi que Fulton et son bateau à vapeur ; il attira l’attention, éveilla la compassion de Ricardo, de Bentham et de beaucoup d’autres sur l’esclavage des enfants et des femmes dans les fabriques et provoqua en 1802 la première loi de législation du travail. En 1815, alors que l’ouvrier travaillait 14, 16 et 18 heures par jour, il organisa le comité des 10 heures, lequel, aidé par des hommes de cœur comme Oastler, lord Ashley et autres, finit par aboutir, en 1847, au vote de la loi des 10 heures. (Cette loi n’est pas encore votée en Allemagne où fleurit le socialisme scientifique.)

Athée, communiste et fédéraliste, R. Owen propageait l’idée que la société elle-même doit organiser la

  1. Locke, Condillac, les Encyclopédistes, Bichat, Magendie, Claude Bernard et autres.