Page:Tcherkesoff - Pages d’histoire socialiste, I, 1896.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 15 —

fut créée et se développe d’après la méthode inductive, et tous les grands esprits scientifiques ignorèrent et même condamnèrent la méthode dialectique. Je défie les social-démocrates de me nommer un seul savant de notre siècle qui se soit servi de la méthode dialectique dans les recherches scientifiques, à moins que ce ne fût dans la métaphysique allemande.

Est-ce que Lamarck, Geoffroy-Saint-Hilaire, Lyell, Darwin, Hæckel, Helmholtz, Huxley et autres ont élaboré la grande philosophie évolutionniste d’après la méthode dialectique ?

Quételet et J. S. Mill, Morgan et Buckle, Main et Tylor, H. Spencer, Guyau et Bain ont-ils fait leurs généralisations de sociologie, de logique, d’éthique et de philosophie moderne autrement que d’après la méthode inductive ? Qui connaît un peu l’histoire du développement de la science moderne doit reconnaître que tous les grands esprits ont répudié la méthode dialectique.

« La méthode de généralisation dialectique de ces philosophes (métaphysiciens), — dit le professeur W. Wundt[1] — sur laquelle ils basèrent l’infaillibilité de leur doctrine, nous apparaît comme une enveloppe artificielle et répulsive qui dénature toute idée. » Une autre autorité, une vraie gloire de l’Allemagne et de l’humanité, Gœthe n’était pas favorable non plus à la méthode si chère à Engels et à ses disciples[2].

L’esprit scientifique de Gœthe ne pouvait évidemment admettre cette fameuse méthode avec laquelle le pour et le contre sont prouvés avec égale facilité. Il comprenait qu’il n’y a qu’une méthode de recherche : la méthode scientifique.

Une hypothèse est faite, elle est vérifiée par la méthode inductive et devient théorie lorsque la cause rationnelle des rapports établis par induction a été démontrée par la méthode déductive.

Pour comble, cette méthode de raisonnement n’est pas neuve. Engels lui-même dit quelque part que

  1. W. Wundt : « Relation de la philosophie de notre siècle et de la vie », discours prononcé à l’université de Leipzig, 1889. (Nous citons d’après une traduction russe.)
  2. Voir Conversations d’Eckermann, 3e partie.