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listes français, tandis que l’empereur, les princes allemands et Bismarck étaient à Versailles !)

Dès 1870, des membres intelligents de l’Internationale, comme Guillaume et Bakounine, avaient déjà vu percer cette tendance dangereuse et ridicule à vouloir s’ériger en dictateurs internationaux. Ils formèrent un courant contraire qui peu à peu se dessina ; les protestations s’élevèrent de plus en plus nombreuses et violentes : de là date la haine que la coterie marxiste voua aux fédéralistes, surtout à Guillaume et à Bakounine. Cette coterie employa toute son énergie et toute l’autorité dont elle put se saisir ; elle ne s’en tint pas aux menaces. Nous avons vu comment elle s’assura de la majorité au congrès de 1872, à la Haye, et leur pamphlet : L’Alliance internationale, paru à cette époque, est un exemple unique de calomnies et d’absurdités.

Après la scission au congrès de la Haye de l’internationale, les deux fractions suivirent deux tactiques bien différentes. Tandis que les fédéralistes accentuaient de plus en plus la lutte sur le terrain économique et révolutionnaire, les partisans d’un État centralisé, qui en 1873 avaient arrêté un programme d’action légale et parlementaire, étaient entraînés par les événements politiques et par la lutte électorale dans la voie de modération et de compromissions que l’on connaît. On sait jusqu’à quel point, au congrès de Gotha, la social-démocratie allemande poussa l’esprit de conciliation entre les revendications socialistes et l’ordre social actuel et l’État[1] ; aussi n’y a-t-il rien d’étonnant à ce que l’ancienne qualification de « socialiste révolutionnaire » fût devenue gênante pour tous ces messieurs, députés et conseillers. Il fallut trouver un autre qualificatif, mieux adapté à leur nouvelle conception du socialisme, à leur récente et si distinguée situation de législateurs.

Le mot voulu se trouva : au lieu de « socialisme

  1. Au congrès de Francfort en 1894, un délégué dit : « La médecine du socialisme doit être administrée à petites doses. ».

    Un honnête savant disait dernièrement à un de nos amis : « Mais, que veux-tu, le programme des radicaux est plus avancé que celui des socialistes ! » Et c’est vrai.