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Avant de nous rencontrer ?
Moi-même, depuis un an que j’ai quitté la capitale,
Je vis malade dans mon exil
Où il n’y a pas de musique.
Toute l’année je n’ai pas entendu un son mélodieux.
Ma demeure, au bord du fleuve, est marécageuse,
Les roseaux jaunes et les bambous l’entourent.
Savez-vous qu’est-ce que j’entends, jour et nuit ?
Des oiseaux qui pleurent, des singes qui gémissent.
Malgré les fleurs du printemps et la lune d’automne,
Je verse toujours seul le vin dans mon verre.
J’entends bien le chant des montagnards,
Et le son des chalumeaux des villageois ;
Mais cette musique m’étourdit
Sans me plaire.
Ce soir en entendant votre guitare,
Il m’a semblé que j’entendais
Le concert des anges, et j’ai été dans le ravissement.
Jouez encore un air, je vous en prie,
Afin que je puisse écrire cette heureuse rencontre.
Touchée par ma prière, elle joua debout ;
Son chant était triste ; toute l’assistance
Était émue, et moi-même j’ai pleuré.


Cette pièce renferme une pensée qui a en Chine une grande renommée : on l’aura sans doute remarquée :


Nous sommes tous les déclassés de l’univers.
Avons-nous besoin de nous connaître,
Avant de nous rencontrer !


Réflexion d’une profonde mélancolie, où est