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A nous répondre.
Cependant notre invitation est pressante ;
Nous la renouvelons ; nous remettons le couvert ;
Les lampes sont allumées.
Enfin nous distinguons une femme
La figure à moitié cachée par sa guitare ;
Elle se décide à monter sur notre navire.
Les premières notes qui vibrent,
Lorsqu’elle cherche à accorder les cordes,
Expriment déjà un sentiment :
Chaque son est amorti, mais expressif ;
Il est comme voilé par la tristesse.
Puis elle a commencé à jouer.
Les arpèges tracent des courbes sur les cordes,
Elles vont, elles viennent,
Elles montent et descendent les octaves.
Les cordes majeures simulent une ondée :
Les mineures un chuchotement.
Tout d’un coup les notes deviennent brillantes ;
On croirait entendre une pluie de perles
Tombant sur un plateau de jade.
La gamme ressemble au chant du rossignol,
Ou bien aux chutes d’eau d’une cascade.
Les silences expriment une tristesse qui glace.
La fin de l’air ressemble à un vase brisé
D’où l’eau jaillit en abondance,
Ou ressemble encore à la charge d’une cavalerie
Où les armes et les cuirasses sonnent en même temps.
En terminant, elle ramène l’archet sur les cordes
Qui vibrent d’un seul coup,
Comme si on déchirait un morceau d’étoffe.
À ce moment tous les bateaux, à l’est et à l’ouest,
Sont silencieux : on ne voit que le clair
De lune, sur la surface de l’eau.
Elle a fini : elle s’est levée pour saluer ses hôtes.