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lueur saine et chaude. Il me plaît par sa politesse, sa serviabilité et la délicatesse extrême de ses relations avec tout le monde, Nikîta excepté. Si quelqu’un fait tomber un bouton ou une cuiller, il saute vite à bas de son lit et va les ramasser ; chaque matin, il dit bonjour à ses compagnons, et en se couchant il leur souhaite une bonne nuit.

Outre la continuité de son état de tension et l’agitation de ses traits, sa folie s’accuse encore par le fait suivant. Parfois le soir, il se drape dans sa capote, et, tremblant de tout le corps, claquant des dents, il se met à marcher vite, entre les lits, et d’un bout à l’autre de la salle. On dirait qu’il lui prend une forte fièvre. À la façon dont il s’arrête tout à coup et regarde ses compagnons, on croit qu’il veut leur dire quelque chose de très important, mais, pensant sans doute qu’ils ne l’écouteront pas ou qu’ils ne comprendront pas, il redresse la tête avec impatience et recommence à marcher.

Cependant le besoin de parler surmonte toute autre considération ; il se donne carrière. Il parle avec flamme et passion. Son discours, désordonné, fiévreux, délirant, saccadé, est souvent incompréhensible, mais on y devine, et dans les paroles et dans le ton, quelque chose d’extraordinairement bon : quand il parle, on sent à la fois en lui un fou et un homme. Il serait difficile de transcrire tout ce qu’il dit. Ivan Dmîtritch parle de la