Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/74

Cette page n’a pas encore été corrigée

« Lequel de nous deux est fou ? pensait-il, excédé ; de moi qui tâche de ne déranger en rien les voyageurs, ou de cet égoïste qui croit être plus spirituel et plus intéressant que n’importe qui, et qui ne laisse de trêve à personne ? »

À Moscou, Michel Avériânytch revêtit un pantalon à bandes rouges et une redingote militaire sans pattes d’épaules [1]. Les soldats dans la rue saluaient sa casquette militaire et son manteau d’officier. Il semblait à André Efîmytch être avec un homme qui avait dépensé tout ce qu’il avait eu autrefois de distinction et à qui il ne restait rien que de laid. Il aimait qu’on s’empressât à le servir, même quand c’était inutile. Il avait, par exemple, devant lui sur la table des allumettes qu’il voyait, et pourtant il criait au garçon bien fort : « Des allumettes ! » Il se promenait sans scrupule, en chemise, devant la femme de chambre. Il tutoyait tous les garçons sans distinction d’âge, il se fâchait après eux et les qualifiait d’imbéciles et de bûches. Cela paraissait à André Efîmytch aristocratique, mais laid.

Avant toute chose, Michel Avériânytch conduisit son ami à la chapelle de la Vierge d’Ibérie [2].

  1. Les « pattes d’épaules » – pogoni – différencient les uniformes militaires des uniformes civils. On va voir que Michel Avériânytch – employé civil – agit à Moscou un peu à la façon de nos adjudants qui cherchent par des détails de tenue à être pris pour des officiers. (N. d. t.)
  2. C’est la fameuse image que les tsars visitaient avant d’entrer sur la place Rouge, quand ils se rendaient au Kremlin. (N. d. t.)