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trop longtemps à atteler ou qu’on servait le thé dans des verres mal lavés, Michel Avériânytch bleuissait de colère, tremblait de tout le corps et criait : « Silence ! Qu’on ne raisonne pas ! » Dans le tarantass, il ne cessait de raconter ses voyages au Caucase et dans le royaume de Pologne. Que d’aventures, quelles rencontres ! Il parlait haut et faisait des yeux si étonnants que l’on devait croire qu’il mentait ; en parlant, il soufflait dans la figure d’André Efîmytch et lui riait dans l’oreille : tout cela incommodait le docteur et l’empêchait de songer et de se recueillir.

En chemin de fer, ils prirent, par économie, la troisième classe, et montèrent dans le wagon des non-fumeurs. Le public y était à demi propre. Michel Avériânytch eut vite fait connaissance avec tout le monde, et allant de banquette en banquette il criait qu’il était impossible de voyager sur des lignes si effroyables. C’était un vol manifeste ! N’aurait-il pas mieux valu aller à cheval ? Vous abattez cent verstes par jour et vous vous sentez le soir frais et dispos. Il disait que les mauvaises récoltes provenaient du dessèchement des marais du Pinsk. Au demeurant, partout chez nous des désordres affreux. Il s’échauffait, pérorait et ne laissait pas les autres dire un mot. Ses fanfaronnades continuelles, entrecoupées de gros rires et de gestes expressifs, accablaient André Efîmytch.