Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/43

Cette page n’a pas encore été corrigée

VIII

Il y a deux ans, le zemstvo se piqua de générosité et vota 300 roubles par an pour l’augmentation du personnel médical de l’hôpital. Un médecin de district, Eugène Fiôdorovitch Khôbotov, fut adjoint à André Efîmytch. C’était un très jeune homme ; il n’avait pas encore trente ans. Brun et de haute taille, avec de larges pommettes et de petits yeux, il devait avoir dans son ascendance du sang tatare ou finnois. Il arriva en ville sans un sou vaillant, flanqué d’une petite valise, et d’une jeune femme assez laide, qu’il donnait pour sa cuisinière. La jeune femme nourrissait un enfant, Eugène Fiôdorovitch portait une casquette à visière et de hautes bottes, et l’hiver une demi-pelisse de moujik.

Il lia amitié avec Serge Serguiéitch et avec l’économe. Il traita tous les autres fonctionnaires, on ne sait pourquoi, d’aristocrates, et se tint éloigné d’eux. Il n’avait chez lui qu’un seul livre : Les Nouvelles ordonnances de la clinique de Vienne pour l’année 1881. Il portait toujours ce livre avec lui quand il allait voir un malade. Le soir, au club, il jouait au billard ; il n’aimait pas les cartes. Il