ainsi, on s’aperçoit moins du piège de la vie, quand des gens portés à l’analyse et aux généralisations se trouvent réunis et passent le temps à échanger des idées libres et hardies : en ce sens, l’esprit est la jouissance incomparable.
– Parfaitement exact !
Sans regarder son interlocuteur, avec des pauses, et doucement, André Efîmytch continue à parler des gens d’esprit et de leur conversation ; Michel Avériânytch l’écoute avec attention et acquiesce :
– Parfaitement exact !
– Vous ne croyez pas à l’immortalité de l’âme ? demande tout à coup le maître de poste.
– Non, estimable Michel Avériânytch, je n’y crois pas, et n’ai aucune raison d’y croire.
– Il faut avouer que moi aussi je doute. Et pourtant il est en moi comme un sentiment que je ne mourrai jamais ! « Allons, me dis-je, vieux barbon, il est temps de mourir ! » Et dans mon âme, une petite voix crie : « N’en crois rien, tu ne mourras pas… »
Un peu après neuf heures Michel Avériânytch quitte son ami. Mettant sa pelisse dans l’antichambre, il dit en soupirant :
– Tout de même, dans quel sale trou nous a placés le destin !… Le plus triste est qu’il faudra y finir nos jours… Hélas !