Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/211

Cette page n’a pas encore été corrigée

il fallut se tenir debout, sans remuer, et faire des miracles pour que son chapeau ne fût pas écrasé. Le passage était magnifique. Les deux rives baignées de lumière avaient un aspect si heureux et si triomphant qu’il semblait que cette matinée de mai ne devait qu’à elles seules tout son charme. Les reflets du soleil tremblaient dans l’eau rapide du fleuve et se glissaient partout ; ses longs rayons se jouaient sur les chasubles, sur les bannières et sur l’éclaboussement des rames. Le chant du canon pascal, le bruit des cloches, les coups de rames dans l’eau, et le cri des oiseaux, tout se fondait en quelque chose d’harmonieux et de doux. Le canot où étaient les bannières et le clergé nageait en tête. Au gouvernail, immobile comme une statue, était debout un frère convers, tout noir.

Quand la procession s’arrêta près du couvent, je remarquai parmi les élus qui avaient été du premier voyage, Alexandre Ivânytch. Il était tout à fait au premier rang, et, la bouche ouverte de plaisir, le sourcil droit levé, il regardait ; sa figure rayonnait. En ce moment où il y avait autour de lui tant de monde et tant de lumière, il était sans doute satisfait de lui-même, de sa nouvelle foi et de sa conscience.

Peu après, lorsque nous fûmes assis dans notre chambre à boire du thé, il rayonnait encore. Son visage montrait qu’il était content du thé et de