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Nikîta, chargé de faire disparaître ses incongruités, le battait furieusement à tour de bras, sans ménager ses poings. L’effrayant n’était pas qu’on le battît (il faut s’habituer à pareille idée), mais bien que cette brute ne fît, à ces coups, ni un cri, ni un mouvement, ni le moindre signe des yeux, et se mît seulement à se balancer de droite à gauche comme un tonneau.

Le cinquième et dernier habitant de la salle 6 avait été employé comme trieur de lettres dans un bureau de poste. C’était un petit blond, maigrelet, à bonne figure un peu rusée. À en juger par ses yeux calmes et intelligents qui regardaient joyeusement et clairement, c’était un malin qui possédait un secret fort agréable et important. Il avait sous son matelas et sous son oreiller quelque chose qu’il ne montrait à personne, non de crainte qu’on ne le lui enlevât ou qu’on ne le lui volât, mais par modestie. Il allait parfois à la fenêtre, et, tournant le dos à ses compagnons, il s’agrafait quelque chose sur la poitrine qu’il contemplait la tête courbée. Si, à ce moment-là, on s’approchait de lui, il se troublait et arrachait vite ce quelque chose de la poitrine. Il n’est pas difficile de deviner son secret.

– Félicitez-moi ! disait-il souvent à Ivan Dmîtritch ; je suis décoré de l’ordre de Saint-Stanislas de deuxième classe avec l’étoile. On ne donne la deuxième classe avec l’étoile qu’aux étrangers ;