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petite ville, il ne fut question que de ces cadavres, et des assassins restés inconnus. Ivan Dmîtritch, pour que personne ne le soupçonnât, se promenait en souriant, et quand il rencontrait quelqu’un de connaissance il pâlissait, rougissait, et se mettait à affirmer qu’il n’y a pas de crime plus lâche que d’assassiner des êtres faibles et sans défense. Mais cette feinte le fatigua vite, et, après avoir réfléchi, il décida que dans sa position, ce qu’il avait de mieux à faire était de se cacher dans la cave de sa propriétaire. Il y resta blotti deux jours et une nuit, eut très froid, et, ayant longuement attendu le crépuscule, il se glissa comme un voleur dans sa chambre. Il y demeura sans bouger, tout au milieu, debout aux écoutes, jusqu’à l’aube. Le matin, il vint des fumistes dans la maison. Ivan Dmîtritch savait qu’ils venaient pour refaire le poêle de la cuisine, mais la peur lui souffla que c’étaient des policiers déguisés en fumistes. Il sortit à pas de loup de son logement, et, saisi de peur, s’enfuit dans la rue sans chapeau ni redingote. Les chiens se jetèrent sur lui en aboyant ; un moujik criait ; l’air lui siffla dans les oreilles ; il sembla à Ivan Dmîtritch que toute la violence du monde s’abattait sur lui et le poursuivait.

On l’arrêta, on le ramena chez lui, et on envoya chercher le médecin. Le docteur André Efîmytch, dont il va être question plus loin, prescrivit de lui