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mûrissait, et, à cet instant-là elle reluisait sous le soleil comme de la nacre. C’était le fort moment du travail. Aujourd’hui fête, le lendemain samedi il fallait rentrer le seigle et lever le foin, et le surlendemain encore fête. Chaque jour, au loin, le tonnerre grondait ; le soleil brûlait ; et il semblait qu’il allait pleuvoir. À regarder les champs chacun se demandait si l’on arriverait à rentrer le blé à temps ; on était joyeux et gai, et inquiet tout ensemble.

– Les faucheurs sont chers maintenant, dit Prascôvia, un rouble quarante par jour !

De la foire de Kazânnskoé la foule venait toujours et toujours : des femmes, des ouvriers en casquettes neuves, des mendiants, des enfants… Tantôt, soulevant la poussière, il passait un chariot derrière lequel courait un cheval non vendu et qui avait l’air heureux de ne l’avoir pas été ; tantôt on tirait par les cornes une vache qui résistait. Puis venait un autre chariot, avec des moujiks ivres, dont les jambes pendaient. Une vieille menait un enfant qui avait un grand chapeau et de grandes bottes. L’enfant n’en pouvait plus de chaleur et du poids de ses bottes, qui l’empêchaient de plier les jambes, et cependant il ne cessait de souffler de toutes ses forces dans une trompette. On était déjà descendu au fond de la combe, on tournait dans la rue, la trompette s’entendait toujours.