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côte à côte. Le soleil se couchait, et ses rayons, se glissant à travers le bouquet d’arbres, en éclairaient les fûts. Des voix, en avant, retentissaient, bruyantes. Les jeunes filles d’Oukléevo étaient parties en tête depuis longtemps, mais elles s’étaient arrêtées dans le petit bois à ramasser des champignons.

– Allons, les filles ! leur cria Elizârov. Allons, mes belles !

Un rire lui répondit.

– Voici Béquille ! Béquille ! Vieux radis noir !

L’écho riait aussi.

Et puis le bois fut dépassé ; on commença à voir le haut des cheminées d’usine ; la croix scintilla sur le clocher ; ce fut le village, « ce même village où à un enterrement le sacristain avait mangé tout le caviar ». Et c’était déjà presque la maison : il n’y avait plus qu’à descendre dans ce grand fond. Lîpa et sa mère, qui marchaient nu-pieds, s’assirent sur l’herbe pour se chausser. Béquille s’assit avec elles. Regardé de là, Oukléevo, avec ses saules, sa blanche église et sa rivière, paraissait harmonieux et joli ; seuls tranchaient les toits des fabriques, peints par économie en une couleur sombre et barbare. Sur la pente, de l’autre côté, on voyait le seigle, en javelles et en gerbes, éparpillées çà et là comme par un ouragan, et en lignes que l’on ne venait que de couper. L’avoine aussi