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Le docteur Bataille a raconté les scènes de sauvagerie des triangles  ; il a montré mes ex-Frères et mes ex-Sœurs se ruant contre les Saintes-Espèces et les transperçant avec rage. Il a relaté l’existence de ces boîtes, imaginées par le F▽ Hobbs, dans lesquelles un fragment d’hostie est enfermé et maintenu pressé, en même temps que déchiré, par un morceau de liège garni de pointes d’aiguilles. Il a dit la triste vérité, mais l’exacte. Ces appareils, d’invention diabolique, sont devenus d’un usage courant dans le Palladisme ; on les porte sur soi, en triangle et en loge, même quelques-uns hors des ateliers, comme talisman, comme bijou maçonnique ou non maçonnique, comme simple épingle de cravate. Mais tout cela appartient à la catégorie des profanations de rage transperçante.

Sans doute, le docteur Bataille ignorait comment une rivale de la Sophia a osé allier la haine et le mépris du plus auguste des sacrements ; à peine a-t-il parlé de la S ▽ Dorothea S***, de Berlin, grande-maîtresse des Mopses du Parfait Silence.

Mon Dieu ! je tremble, rien qu’en songeant aujourd’hui à un tel forfait. C’est de ce crime inouï que j’ai été bouleversée, à en mourir de douleur, depuis que j’ai la foi.

Les Juifs ont flagellé, tourmenté, crucifié Jésus ; les clous ont traversé ses mains et ses pieds ; les épines ont été enfoncées dans sa tête divine, aux yeux pleins d’amour ; le fer de la lance a pénétré dans son adorable corps. Mais l’adorable corps du bon Maître, les Juifs ne l’ont pas livré en pâture aux animaux.

Dorothea S*** a deux chiens danois, et, quand elle peut se procurer des Saintes-Espèces, elle les jette à ses bêtes… L’Eucharistie, le corps vivant du Christ, donné à manger à des chiens !… Non, c’est trop affreux ! Voilà la plus abominable des profanations !…

Voilà ce qui m’a fait douter longtemps de la présence réelle dans l’hostie destinée aux communions ; voilà la difficulté qui mettait mon cœur au supplice, mon cœur aimant le divin Maître avec toute l’ardeur d’une foi dévorante, mon cœur tout entier à Jésus.

Comprenez-vous mes tâtonnements, mes incertitudes, mes souffrances ?…

Aujourd’hui, enfin, je me sens rassurée. Je pense aussi qu’on ne me tiendra pas rigueur de mes hésitations, en raison de leur cause.

J’ai été dans l’erreur, d’abord, en croyant que, dans le sacrement de l’Eucharistie, la substance du pain demeurait après la consécration et servait à voiler le divin Maître. C’est cette erreur qui me faisait tenir ce raisonnement, basé sur mon amour pour Jésus : Jésus est là, caché