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alors à une adresse conventionnelle, en poste restante ou à un domicile commercial, où elle est retirée par un des membres de la famille amie chez laquelle j’ai ma retraite habituelle. Ce second intermédiaire ne connaît, de la sorte, que la ville où est Bridget, et, comme on voit, cette ville peut être bien éloignée déjà de l’endroit d’où j’ai écrit ; mais, d’autre part, ce second intermédiaire est le seul qui apprenne, par l’ouverture de la deuxième enveloppe, à qui j’ai écrit.

Cet ami, demeurant dans les environs d’une grande ville, y porte ma lettre, et c’est de là qu’elle est définitivement expédiée à son destinataire.

Cette transmission par deux intermédiaires successifs grève la correspondance d’un retard de 36 à 48 heures. Dans la diplomatie, on opère assez souvent, ainsi, quand la lettre n’a pas une importance telle qu’il faille employer un courrier de cabinet ; toutefois, le pli ne va pas en poste restante, mais les intermédiaires sont des commerçants de la nationalité de l’ambassadeur, établis en diverses villes et servant d’agents secrets.

Moi, si la lettre est très importante, je la fais recommander à sa dernière réexpédition, et le nom donné est celui d’un commerçant établi, chez qui, en cas d’erreur quelconque, elle peut retourner sans inconvénient. Quant à l’expédition de départ et à la première réexpédition, tout en usant de la poste restante et de l’adresse conventionnelle, j’ai un procédé grâce auquel l’administration, ne soupçonnant pas le subterfuge, effectue les transmissions avec autant de soin que s’il s’agissait de lettres recommandées. Ce procède est le seul point du système qu’il serait maladroit de dévoiler ici.

Pour le reste, il est aisé de comprendre que la divulgation du système ne donne aucune piste permettant de découvrir l’une ou l’autre de mes retraites.

M. l’aumônier m’écoutait, émerveillé, quand je lui expliquai cette manière d’opérer, en lui indiquant des exemples à l’appui. Il avait accepté de me rendre le service demandé, avant même d’avoir compris de quoi il s’agissait. Lorsqu’il fut au courant, je l’assurai que je n’abuserais pas de sa complaisance ; car je ne me proposais nullement de passer ces jours de couvent à faire grande correspondance. J’avais emporté quelques lettres à répondre, un peu de quoi travailler à mes Mémoires et beaucoup de quoi travailler à mon volume sur Crispi.

Nous causâmes quelque temps encore, et nous nous dîmes au revoir pour le lendemain matin, fête de la très sainte Vierge. Dans l’asile de paix, comme la première venue des pensionnaires.