Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de roses, et voilà le haschisch ; voilà l’infâme drogue qui, avalée en pilules ou délayée dans du thé, donne une ivresse accompagnée de visions fantastiques. Je me garde bien d’indiquer les doses, afin qu’on ne puisse user de ce qui vient d’être écrit ici ; d’ailleurs, l’opium ne se délivre pas sans ordonnance d’un médecin.

Une simple infusion de chènevis est inoffensive. J’ai dit, avec précision, que je ne bus aucun vin, pas de vin du tout. Or, sans obtenir les effets du haschisch, on peut, il est vrai, surexciter le cerveau au moyen du chènevis ; mais comment ? Avec du vin dans lequel on a fait bouillir (je ne dirai pas la close) du chènevis trituré, mêlé à plusieurs têtes de pavots noirs. Bien plus : il faut s’enivrer avec ce vin, non pas une fois, mais trois fois, pour s’entraîner, et c’est seulement à partir de la troisième fois que l’ivresse s’accompagne d’hallucinations.

Je n’ai jamais pris de boisson de ce genre, encore moins du haschisch. Le chènevis lui-même, non mêlé aux pavots, non bouilli dans le vin, ne peut occasionner aucun désordre cérébral. Cela est connu. Dans plusieurs régions occidentales de la Russie, le chènevis entre dans l’alimentation ; les gens qui en usent ne deviennent nullement des hallucinés.

La diminution de sommeil, portant sur deux nuits en tout, peut-elle vraiment, comme M. Le Chartier l’insinue, peut-elle exténuer le corps et surexciter le cerveau, au point de provoquer chez le sujet une longue série de fausses visions ?… Ce point de l’argumentation ne supporte pas l’examen.

Nombreuses sont les personnes qui se contentent quotidiennement de six heures ou même cinq heures de sommeil, sans que leur santé en souffre le moins du monde ; surtout, celles qui se vouent à la prière.

Je prendrai pour exemple la vie intérieure telle qu’elle est réglée dans un grand nombre de couvents, où l’on prie jusqu’à sept heures par jour, et davantage encore. Là, le dernier office divin de la journée (matines et laudes), ayant lieu à 9 heures du soir, est suivi, à 10 heures et demie, de la pénitence commune, avec examen, et c’est donc à 11 heures seulement qu’on se couche. À 4 heures et demie du matin, le réveil est sonné, afin qu’à 5 heures toute la communauté soit au chœur pour l’oraison, immédiatement suivie du premier office divin (petites heures). Voilà donc cinq heures et demie de sommeil seulement.

Pour ma part, mon ordinaire a toujours été de six heures, et je m’en trouve très bien. Alors, parce qu’il m’arriverait, comme en avril 1889 à Charleston, de prendre la moitié de mon sommeil normal, deux nuits de suite, il en résulterait pour moi une exténuation qui serait l’une des