Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/619

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas la première fois qu’il se signalait « par son courage, en révélant les fraudes et les méfaits » de la secte. Au surplus, rappelons des dates. En 1884, Rosen rédigeait la partie antimaçonnique dans un journal de combat, dirigé par un vaillant catholique, très regretté par ses confrères, M. Attale du Courneau. En 1885, il était le collaborateur de M. le chanoine Brettes pour l’ouvrage en deux volumes, Cours de Maçonnerie Pratique. En 1886, un compte-rendu bibliographique de l’Univers le donnait, en citant son nom en toutes lettres, comme l’auteur d’un autre ouvrage antimaçonnique en deux volumes, la Franc-Maçonnerie sous la 3e République, publié sous le pseudonyme Adrien Leroux. Rosen est donc converti depuis quatorze ans au moins. Le R. P. Descœur fait remonter, me dit-on, sa conversion plus loin que cela.

Retenez ces dates.

En effet, il est certain, d’autre part, qu’en 1886 le catholicisme de Paul Rosen ne l’empêchait pas d’être membre de la Loge le Phare des Hospitaliers de Saint-Ouen. Cette découverte, relativement récente, est due au Comité antimaçonnique de Paris, qui possède une planche de cette Loge, planche de 1886, je le répète, document officiel donnant la liste des membres de l’Atelier, et Rosen y figure parmi les membres actifs.

C’est sans doute un homonyme, dira M. Nemours-Godré. — Non, point, digne rédacteur de la Vérité, de Paris. C’est bien notre Rosen, le vôtre, c’est-à-dire votre ami. La planche porte : « F∴ Rosen, 9, rue Chappe, Paris. » Or, Paul Rosen habite, depuis vingt-cinq ans le 9 de la rue Chappe, à Montmartre, et il n’y a pas d’autre Rosen dans la maison.

Cette découverte a un côté comique : Rosen, dans ce grand zèle qui le distingue pour la défense de la religion, avait vendu, au Comité antimaçonnique de Paris, un formidable lot de planches maçonniques, qu’il disait avoir achetées à grands frais à des Frères Servants ; car il jure ses grands dieux que, depuis le jour si lointain de sa conversion, il n’a plus remis les pieds, dans une Loge. « Comment vous procurez-vous des planches maçonniques ? » lui demande-t-on parfois. « Ah ! dame ! répond-il, c’est difficile ; mais j’y arrive tout de même. Je donne rendez-vous aux Frères Servants du Grand Orient et du Suprême Conseil, et là, loin du temple maçonnique, je discute avec eux le prix des documents dont j’ai besoin. On me les fait payer très cher. »

Les Frères Servants étaient si exigeants, au dire de Rosen, qu’il ne demanda pas moins de cinq francs pour chacune de ces planches, dont il proposa d’abord l’achat à un éditeur catholique. Oh ! ce n’était que le remboursement de ce qu’il avait dû donner ; il n’y gagnait pas un sou !…

Disons, pour ceux qui l’ignorent, que ces planches sont les lettres (imprimées) d’invitation aux réunions de la Loge ou du Chapitre ; elles portent, en général, au recto l’ordre du jour de la séance et les signatures des membres