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en avait imposé ? pour masquer leur reculade, ont-ils inventé cette histoire de mystérieuse pesanteur ? C’est possible. Ou bien les choses ont-elles eu lieu comme ils l’ont dit ? C’est possible encore. Je n’ai pas à me prononcer.

Là-dessus, on a brodé ; de là, par un emprunt au fait surnaturel qui suivit, est venue la légende du talisman cinglant le visage des partisans de ma radiation.

À la reprise de la séance, le grand-maitre N. P. proclama que je demeurais Chevalière Élue Palladique, membre du Triangle les Onze-Sept au titre d’activité.

C’est alors que l’on entendit un bruit étrange dans le coffret du talisman, placé sur l’autel, devant le Baphomet. La queue de lion happait à grands coups contre les parois de la boite.

— Est-ce toi, Bengabo, qui es présent ? demanda le grand-maître.

On se rappelle qu’Asmodée, en faisant don aux Onze-Sept de cette queue qu’il prétendait avoir coupée dans un combat céleste, au lion du maléakh Marc, avait dit : « Afin qu’elle ne puisse jamais aller rejoindre le corps dont je l’ai séparée, j’ai placé en elle Bengabo, un de mes légionnaires, cette queue de lion adonaïte demeurera ici dans l’immobilité jusqu’au jour où j’aurai à intervenir pour marquer ma faveur toute-puissante à une vestale que je vous destine. »

À la question du grand-maitre, le talisman répondit par deux coups très forts. Toutes les personnes qui s’occupent d’occultisme savent que deux coups frappés par un esprit signifient : « Non. »

— Est-ce toi, Asmodée ? interrogea de nouveau le F▽ N. P.

Un formidable coup répondit : « Oui. »

Aussitôt, le couvercle du coffret s’ouvrit de lui-même, à la grande stupéfaction de tous ; car l’écrin était toujours fermé à clef. Puis, l’appendice léonin s’élança dans la direction des colonnes d’Afrique, où je me trouvais debout au premier rang, à proximité de l’estrade, et vint s’enrouler doucement autour de mon cou.

Alors, — infernal prodige, — le flot caudal se transforma en une petite tête de daimon, et cette tête, ouvrant la bouche, dit :

— Moi, Asmodée, prince du Hasard-Fortuné, commandant quatorze légions d’esprits du feu, je déclare que je protège et protégerai toujours ma bien-aimée Diana envers et contre tous. Quand on voudra me consulter, sa présence sera nécessaire, et je ne répondrai qu’à son interpellation.

En ce temps-là, mon orgueil était grand ; cette fierté diabolique emplissait mon âme, et c’était pour moi un enivrement de penser que Lucifer me destinait une haute mission dans la propagande de son culte. Aussi, mon cœur bondissait de joie en voyant le talisman animé reposer sur ma personne, en