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Et je sortis.

Le lendemain, je reçus plusieurs visites. Il en est une, dont j’espère pouvoir parler bientôt.

Je compris alors le sens des mots qu’on m’avait soulignés sur la poésie soumise à ma lecture dans le cabinet des réflexions. « Sans craindre l’épreuve, le vrai Maçon frappe les faux dieux. » Toutefois, cette poésie contribua à me donner à penser que les pratiques dont je venais d’apprendre l’existence et qui avaient ma réprobation n’étaient en usage que dans les Triangles français.

Le lecteur me pardonnera d’avoir reproduit l’opinion que j’avais alors. Il sait à quelle monstrueuse erreur j’étais en proie. Ma haine du vrai Dieu ôte donc tout mérite à mon refus de commettre un sacrilège. Que cet aveu public de ma honte soit mon humiliation réparatrice ; car le langage que je tins contre le sacerdoce même des ministres de Jésus-Christ fut vraiment honteux, coupable, criminel. Je ne me consolerai jamais d’avoir eu l’âme si enténébrée et si méchante.

Avant de raconter les suites de cette célèbre séance du 25 mars 1885, j’ai le devoir d’apporter une rectification au récit du Dr Bataille. Il a été dit, d’après une légende fort accréditée, que, dans le temps qui suivit mon départ de France, le président B*** eut tout-à-coup la tête complètement retournée du côté du dos, et que je dus revenir d’Amérique pour la lui remettre en place. Le grand-maitre du Triangle Saint-Jacques eut, en réalité, une maladie qui l’obligea à garder la chambre ; mais je ne fus pour rien dans sa guérison. C’est lui-même qui a été cause de la légende de la tête à l’envers, par une lettre contre moi, adressée au F▽ Eaton, de New-York, bien connu par les théories sociniennes outrées qu’il ne craint pas de professer ouvertement ; le grand-maître B*** eut le tort d’écrire sa lettre en anglais, langue qu’il ne connaissait que très peu, et il dut l’écrire en se servant maladroitement du dictionnaire. Or, comme il y disait que, pendant plus de vingt jours, il avait eu « la tête à l’envers » à cause de moi, il avait traduit dans le sens physique en anglais ce qui était au figuré dans la langue française. Longtemps après, une dame unitarienne, qui est une amie du F▽ Eaton, me raconta ce que celui-ci croyait ingénument ; j’en ris beaucoup. Mais cette dame, au lieu de détromper le F▽ Eaton, lui rapporta, la malicieuse, ma réponse, en jouant aussi du sens physique pour le figuré. J’avais répondu : « Oui, il a eu la tête à l’envers, à cause de moi ; mais je la lui ai remise en place à mon premier voyage à Paris », par allusion à une visite que je fis au F▽ B***, pour avoir l’occasion de lui dire en face quatre vérités. Et le bon Eaton narra dès lors à tous ses amis sociniens des Triangles la prétendue mésaventure du président des Saint-Jacques, en y ajoutant un grand éloge de ma magnanimité. C’est cet écho qui fut recueilli par le Dr Bataille. On pense si je m’amusai quand je