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adoré. Tu nous connais, ô Lucifer ! ô Dieu-Bon ! tu sais que nous te comprenons et que nous t’aimons. Si tu ne daignes paraître parmi nous, si nos imperfections t’affligent, pardonne à notre sincère repentir et sois présent dans une manifestation invisible. Que ton souffle purificateur passe sur nos visages ! que ta voix se fasse entendre à nos oreilles ! Tu ne commandes que pour le bien ; dis-nous ce que tu veux, et nous obéirons. Les superstitieux frémissent de terreur à ton nom ; ô Lucifer, ton nom, nous le murmurons avec amour. Le vulgaire ignorant ne croit pas tes œuvres belles et bonnes ; aie pitié des aveugles qui ne voient point que tes œuvres seules donnent un sens à l’univers et l’empêchent d’être absurde. Ô le béni de notre cœur ! ô père le plus aimant des pères ! ô mère la plus tendre des mères ! toi seul donnes la lumière et la vie ; toi seul élèves les âmes dans les régions sereines de la raison ; toi seul animes et fécondes le travail. Tu ennoblis la richesse, tu sers d’essence à l’autorité légitime ; tu mets le sceau à la vertu.

« Et toi, Adonaï, dieu maudit, retire-toi, nous te repoussons avec horreur ! Le premier devoir de l’homme intelligent et libre est de te chasser de son esprit et de sa conscience ; car tu es essentiellement hostile à notre nature, et nous ne relevons aucunement de ton autorité. Nous arrivons à la science malgré toi, au bien-être malgré toi, à la société malgré toi ; chacun de nos progrès est une victoire dans laquelle nous écrasons ta malfaisante divinité. Esprit menteur, dieu barbare et imbécile, ton règne touche à sa fin ; cherche parmi les bêtes d’autres victimes. Maintenant la lumière du Dieu-Bon nous illumine de ses splendeurs, et elle sonnera bientôt, l’heure où tu seras détrôné et brisé. Ton nom, si longtemps le dernier mot du savant, la sanction du juge, la force du prince, l’espoir du pauvre toujours trompé, le bouclier du mauvais riche oppresseur, eh bien, ce nom incommunicable, Adonaï, désormais voué au mépris et à l’anathème, sera conspué parmi les hommes ! car Adonaï, c’est sottise et lâcheté ; Adonaï, c’est hypocrisie et mensonge ; Adonaï, c’est tyrannie et misère ; Adonaï, c’est le mal… Tant que l’humanité s’inclinera devant ton autel, l’humanité esclave des rois et des prêtres, sera réprouvée ; tant qu’un homme, à ton nom exécrable, recevra le serment d’un autre homme, la société sera fondée sur le parjure, la paix et l’amour seront bannis d’entre les humains… Adonaï, retire-toi ! car aujourd’hui, guéris de ta crainte et devenus sages, nous jurons, la main élevée vers le ciel du Dieu-Bon, que tu n’es que l’éteignoir de notre raison, le spectre de notre âme et le bourreau de notre existence. »

Pour reproduire ici cette épouvantable Oraison du Néo-Manichéisme, à la fois prière et imprécation, il m’a fallu, je l’assure, relire les lettres de prélats et les articles de savants religieux, de prêtres ayant un renom indiscuté de sagesse et de compétence, tous éminents théologiens, qui me conjurent de