Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/519

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Grand-Maître céda alors la parole à Sophia ; car, d’après le rituel, c’est la Grande-Maîtresse qui est chargée de la première partie de l’instruction de la récipiendaire.

Mlle  Walder me harangua donc. Voici, sinon ses paroles mêmes, du moins le sens de son allocution, qui devait bientôt tourner au dialogue.

— Très Parfaite Sœur Masanec, vous avez eu la bonne fortune de recevoir une instruction spéciale dans votre famille, et je me demande pourquoi le Très Puissant Grand-Maître vous a offert de vous communiquer la pleine et entière connaissance de la vérité. Les formules habituelles sont inutiles dans votre cas… Vous savez. L’exposé de nos traditions relatives à la vie de Jésus ne vous apprendrait rien. Au cours de votre éducation, l’Apadno a été maintes fois ouvert, lu, expliqué et commenté pour vous. Heureuse vous êtes, chère Sœur, d’être l’initiée par excellence ; toutes les Chevalières Maîtresses Templières ici présentes ont eu, elles, à rompre avec des préjugés, à piétiner dans leur cœur la superstition dont elles furent les esclaves ; il leur a fallu une lutte intime pour briser ces liens, funestes, elles envient donc votre bonheur… Mais, quelque fière que je sois de vous donner ce témoignage, qu’en fait de science religieuse je n’ai rien à vous apprendre, j’ai l’obligation, à défaut d’un discours d’instruction, de vous prier de convaincre nos Frères et Sœurs que vous êtes bien la vraie Maçonne érudite qui leur a été annoncée. Nous remplacerons ainsi la harangue ordinaire de la Grande-Maîtresse par un exposé de vos hautes connaissances sous forme d’examen oral ; les oreilles de nos Frères et Sœurs n’en seront que plus charmées.

Sur ce compliment, un tournoi oratoire s’engagea entre Sophia et moi.

Elle m’interrogeait sur le dogme palladique, sans franchir les limites que le décret d’Albert Pike lui avait imposées. Je lui répondais. Et ainsi nous traitions diverses questions l’une et l’autre, nous faisant part de nos réflexions sur les différents épisodes bibliques ou apadniques, et concluant toutes deux à la méchanceté d’Adonaï.

Ce dialogue, tout nouveau dans un Grand Triangle, intéressait vivement l’auditoire. Sophie et moi, nous étions fréquemment interrompues par les bravos. Mon orgueil était flatté. Je ne reproduirai pas cette partie de la séance ; elle ne pourrait qu’attrister mes amis d’aujourd’hui, car inconsciemment je vomissais le blasphème. Ah ! la patience de Dieu est infinie !

Pour la forme, le Chevalier d’Éloquence me dit le sens des deux tableaux symboliques, placés à l’Asie :

— Celui de droite représente Osiris, Apollon, Ormuzd, semant la fécondité sur la terre. Le Dieu-Soleil est l’unique source de toute vie. Voilà la doctrine que Jésus eût dû enseigner jusqu’à son dernier jour… Le tableau qui est à gauche représente le châtiment de la trahison. Vous apercevez le sphinx