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Ah ! mille fois bénie soit Jeanne d’Arc, qui a arraché le bandeau dont mes yeux étaient couverts !… J’ai raconté ailleurs comment je la vis, une fois, une seule fois, et sans aucune préparation. Voilà la différence éclatante entre les miracles de Dieu et les prestiges du diable. Satan a toujours besoin de certaines conditions pour opérer.

Enfin, c’est son nom invoqué, en terrible détresse, c’est son nom saint qui a obligé quatre daimons, devant moi, à me montrer leurs vraies faces ; c’est elle, donc, qui, tout en demeurant invisible, les a dépouillés de leur audacieux déguisement d’anges de lumière. Voilà comment j’ai commencé à comprendre que Lucifer n’est que Satan.

C’était le 6 juin de cette année-ci, il n’y a pas encore deux mois.

Je relisais, dans ma retraite, le numéro 3 du Palladium tout récemment écrit ; frais imprimé, il venait de me parvenir.

Après deux lectures de l’article où, pour répondre en courtoise adversaire à un prêtre-professeur dont la lettre m’avait touchée, je promettais de ne plus adjoindre au nom de la Mère du Christ un qualificatif de nature à heurter les catholiques, je contemplai quelques instants la statuette de Jeanne d’Arc qui est chez moi, dans ma chambre.

— Bonne Jeanne, dis-je, ce prêtre m’a demandé de déroger à un ancien usage ; il m’en a suppliée par votre nom virginal. Je lui fais cette concession pour montrer jusqu’où va la tolérance palladiste. Mais je veux aller plus loin. Vous aimiez Marie de tout votre cœur, ô Jeanne, pendant cette glorieuse et trop courte existence que j’admire tant, bien que sans partager vos croyances. Eh bien, c’est à vous, douce et sublime héroïne, c’est à vous que je veux prêter le serment de respecter à jamais le nom de Marie, mère du Christ.

Je m’agenouillai, — à deux genoux, et c’était la première fois de ma vie, — devant la statuette. J’étais en proie à une émotion jamais ressentie jusqu’alors : j’avais besoin de pleurer, et je ne savais pourquoi ; mon cœur était troublé, agité, et néanmoins ferme dans la résolution que j’avais prise.

— Ô Jeanne d’Arc, prononçai-je à haute voix, je vous le jure, par la vénération que j’ai pour vous, jamais je n’écrirai, jamais je ne dirai un mot manquant de respect à Marie, mère du Christ, que vous avez tant aimée.

À peine ces mots tombés de mes lèvres, je fus par une force extérieure, rejetée en arrière avec une violence inouïe ; ma tête frappa le parquet. Or, tandis que je cherchais à me relever, j’aperçus devant moi, subitement apparus, Baal-Zéboub, Astaroth, Moloch et Asmodée, que je reconnus bien tous les quatre. Ils étaient en la forme habituelle de