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Voilà ce qu’Asmodée me rappela, et j’étais vraiment heureuse d’avoir eu ce privilège de pénétrer en un séjour si merveilleux.

Je l’écoutais, ravie, quand la seconde promesse du Dieu-Bon eut à s’accomplir. Un magnifique aigle, d’une taille bien au-dessus des plus grands connus, et d’une blancheur de neige, vint s’abattre devant moi, se baissant avec grâce et, par l’attitude, m’invitant à m’étendre sur son dos. C’était l’aigle blanc de Paymon, la plus puissante daimone après Astarté.

Je sentis alors que j’étais redevenue corporelle.

— Ma mission de ce jour est remplie, me dit Asmodée. Je vous confie, chère Diana, à l’aigle blanc qui doit vous transporter en Oolis.

Aussitôt, je pris place sur ma monture aérienne ; je tenais mon bras passé autour de son beau cou. L’oiseau sacré de Paymon s’éleva alors dans l’espace, avec une rapidité prodigieuse ; sans battement d’ailes, mais les tenant étendues, il avait pris une ligne ascensionnelle oblique, et bientôt la Terre ne fut plus qu’un point rond, qu’à peine je distinguais là-bas.

Mais je ne raconterai pas ici ce voyage en Oolis, planète d’un monde solaire ignoré des profanes, sur laquelle Adonaï règne et seul est adoré, au dire de la légende palladique tirée du Livre Apadno. J’y retournai une autre fois, portée dans les bras de Lucifer lui-même ; c’est cette excursion que je narrerai, avec tous les détails nécessaires.

L’important à dire aujourd’hui : mon retour.

Ce fut aussi l’aigle blanc de Paymon qui me rapporta. Quand nous nous rapprochâmes de la Terre, il plana un instant au-dessus d’une région montagneuse ; puis, en un invraisemblable élan, descente de quelques secondes à peine, il plongea dans le cratère d’un volcan en pleine éruption.

La lave jaillissait à flots bouillonnants, des pierres incandescentes étaient projetées avec violence des profondeurs du gouffre de feu, les rochers craquaient et se fendaient, je voyais des éclairs sillonner l’immensité intérieure que je traversais ; mais rien ne m’atteignait, ni ma monture.

Et l’aigle volait dans les tourbillons de flammes qui ne nous causaient aucune brûlure ; et j’étais calme, tranquille, sans suffocation ni le moindre malaise. Et enfin nous arrivâmes en un endroit qu’immédiatement je reconnus ; lieu clos aux murs suant le feu, appartement de forme triangulaire, avec le Baphomet à l’angle du fond ; l’aigle blanc y pénétra par un trou béant du sol ; c’était bien le Sanctum Regnum de Charleston.