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extraordinaires à s’imposer, cela ne veut pas dire qu’elle prend les fonds dans la caisse centrale nationale, constituée par le tant pour cent des cotisations et autres ressources connues des imparfaits initiés. Chaque Maçonnerie particulière sait toujours se ménager des amitiés puissantes, soit dans le monde gouvernemental, soit dans le monde de la haute finance tout en s’insinuant dans la direction des affaires politiques, la secte rend des services secrets, qui lui permettent à l’occasion de se faire remettre des fortes sommes. — Citons deux exemples historiques : Mazzini était loin d’être riche, et les carbonari qu’il dirigeait appartenaient à la bohème politique et aux classes inférieures de la société, tous gueux sans le sou ; ce n’était ni dans sa bourse, ni dans la caisse des cotisations des Ventes, que Mazzini puisait les sommes considérables qui lui furent nécessaires pour l’organisation de ses complots et l’exécution des criminels attentats dont il était l’inspirateur. — Plus récemment, l’affaire du Panama a montré que feu le F ▽ Floquet, au moment où la Franc-Maçonnerie venait de condamner l’aventure boulangiste comme dangereuse pour la République (réunion des Loges de Paris au Cirque d’Hiver), sut extorquer trois cent mille francs au F∴ Ferdinand de Lesseps pour subventionner les journaux à rédactions maçonniques, radicaux et opportunistes, et alimenter leur campagne contre le blond général.

Le Grand Orient de France n’eut donc pas grand mérite à accepter de prendre à sa charge les frais que nécessiteraient la trahison du docteur Bataille et les complications qui en seraient fatalement la conséquence. Un jour, peut-être, la découverte d’un pot-aux-roses financier, quelconque donnera la clé de l’énigme pécuniaire qui nous préoccupe aujourd’hui.

Le docteur Bataille, depuis quelque temps, était comme une de ces citadelles que Philippe de Macédoine savait si bien prendre, sans exposer ses troupes à un assaut meurtrier. Une forte somme, même si elle lui était offerte par la Franc-Maçonnerie, serait la bienvenue ; il ne se gênait pas pour le dire. Enfin, survint l’affaire de Mlle  Couédon, la « Voyante de la rue de Paradis ». On sait que la Société des Sciences psychiques, dont le docteur était vice-président, examina le cas de Mlle  Couédon ; qu’une commission médicale fut nommée en premier lieu ; que le docteur Bataille fut chargé du rapport ; que son rapport fut rejeté à l’unanimité par la Société tout entière. Ou le docteur fut froissé de ce rejet, ou bien il était déjà décidé à une rupture avec les catholiques. Quoiqu’il en soit, à partir de ce moment, le docteur Bataille ne fut plus le même pour ceux qui le connaissaient. Les journaux ennemis de l’Église le comblèrent de louanges ; il suffit de parcourir les collections de la Lanterne et du Radical, etc., pour le constater. D’autre part, le docteur Bataille a, depuis quelque temps, des intérêts engagés dans un restaurant situé sur les grands boulevards, dans la même maison que celle où il a son cabinet de consultations (boulevard Montmartre) ; cela, il l’a reconnu publiquement, et par lettres aux journaux, et dans des interviews. Or, il est avéré que deux Loges de la juridiction du Grand Orient de France donnent leurs banquets dans le restaurant du docteur Bataille. On voit que, pour circonvenir le malheureux, les émissaires de la rue Cadet n’eurent pas à déployer beaucoup de diplomatie. Et, depuis la trahison consommée, la clientèle de ce restaurant est de plus en plus maçonnique ; ceci est notoire.

Quelle somme le docteur Bataille demanda-t-il ? — À l’époque où des aveux