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de « Docteur Bataille » qu’il avait pris pour écrire ce qu’il appela ses « récits d’un témoin » dans la publication le Diable au XIXe Siècle. Cependant, puisque j’ai à m’occuper de lui, c’est sous ce pseudonyme que je le nommerai plus tard, quand il se repentira, comme je l’espère, il me remerciera de ne pas avoir accolé le mot « traître » à son nom de famille.

Le docteur Bataille avait donc écrit ou signé tout ou partie de l’ouvrage dont il s’agit. Qu’il eut des collaborateurs, un ami qui rédigea les passages relatifs à des faits antérieurs, des abonnés qui envoyèrent de nombreux épisodes à l’appui de ses récits personnels, cela importe peu. On lui accorde volontiers qu’il fut, en tout et pour tout, l’auteur des « récits d’un témoin » proprement dits ; je m’en rapporte là-dessus à ce qui a été publié en ces derniers jours, de part et d’autre[1]. Voilà la vraie question.

Or, j’avais déjà fait quelques rectifications à ces récits d’un témoin ; je me proposais d’en apporter d’autres, et je l’ai annoncé bien avant ma conversion, soit dans des lettres particulières, soit dans le Palladium Régénéré et Libre.

Je suis donc bien à mon aise pour juger l’ouvrage.

Des exagérations, il y en a, elles sont nombreuses ; l’auteur se laisse entraîner souvent par son ardeur descriptive ; il dépasse le but. Tous les faits sont-ils controuvés ? c’est une autre affaire. Quant au fond, l’ouvrage est vrai. Oui, là Haute Maçonnerie existe ; oui, le Rite Suprême dit Palladique est pratiqué dans des arrière-loges nommées Triangles ; oui, le Grand Architecte de la Franc-Maçonnerie, tel qu’il est connu des parfaits initiés, n’est autre que Lucifer, c’est-à-dire Satan.

Et voilà la révélation qu’il fallait détruire à tout prix.

Renier cette révélation après l’avoir faite, dire publiquement : « Je me suis moqué des catholiques, tout ce que j’ai écrit n’est qu’une fumisterie », cela est une trahison.

Une trahison de ce genre se paie. Qui paierait ? Évidemment, une forte somme serait nécessaire, vu l’immense scandale qu’on voulait. Or, il n’y avait pas à compter sur Lemmi, trop vexé de l’humiliation qui venait de lui être infligée par les exigences du Grand Orient de France. Donc, le Grand Orient de France ferait les frais, quels qu’ils pussent être car il y avait lieu de prévoir leur accroissement, en cas de complications.

Ici, une observation : quand telle fédération maçonnique a telles dépenses

  1. Voici à ce sujet les explications, données par M. Léo Taxil, dans une lettre du 2 novembre 1896 adressée à M. Eugène Tavernier, rédacteur à l’Univers.
    « Le docteur déclare n’avoir écrit qu’une partie du Diable au XIXe Siècle et dit qu’il y a eu pour cet ouvrage plusieurs collaborateurs mais il ne nie pas avoir été l’auteur de ce qui, dans cette publication, constitue les récits d’un témoin à proprement parler. Les personnes qui possèdent cette publication ont pu constater, en effet, qu’à côté des récits personnels du docteur, il a de nombreuses pages consacrées à des épisodes que l’auteur principal ne présente pas en témoin oculaire. Les premiers fascicules de la publication ayant soulevé des polémiques violentes, les éditeurs jugèrent qu’il était utile d’augmenter l’ouvrage de tout ce qui pourrait venir à l’appui des récits personnels du docteur ; ainsi, tout ce qui est relatif aux faits antérieurs n’est pas du docteur. Un grand nombre de faits merveilleux ont été communiques et attestés par des abonnés, tous vénérables ecclésiastiques. L’ouvrage ne trompe aucunement le lecteur ; car chacun peut faire aisément le triage de ces innombrables épisodes et se rendre compte très exactement de ce qui est l’œuvre personnelle du docteur. L’ouvrage subsiste, par conséquent, dans son ensemble et dans ses détails, et d’ailleurs il ne faut pas oublier que des faits racontés personnellement, par te docteur ont été confirmés par des missionnaires ».