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comprendra sans peine que cela est la chose la plus aisée du monde, puisque j’ai pour cela deux personnes éprouvées, sans qu’il soit nécessaire que l’enveloppe extérieure porte leur véritable nom et leur adresse dans certains cas. Il suffit que la transmission se fasse d’une grande ville à une grande ville, pour ne donner jamais l’éveil aux cabinets noirs depuis le moment du départ jusqu’à celui de la réexpédition. Par contre, dès que la lettre circule sous sa dernière enveloppe, c’est-à-dire portant l’adresse de son destinataire, il est évident que les cabinets noirs ne se gênent pas pour la lire, pour peu que mon correspondant soit un homme connu ou signalé par la secte. Mais jamais dans aucune lettre je n’écris un seul mot qui puisse compromettre ma sécurité.

En résumé, tout se borne à l’emploi de cinq personnes : deux qui sont dans le secret complet ; deux qui savent les envois faits par moi ou pour moi en réalité, mais qui ignorent exactement le lieu même de ma résidence ; un intermédiaire salarié, qui ne peut se douter de rien, attendu que la correspondance passant entre ses mains est réduite à sa plus simple expression et que le stratagème employé est tellement banal que sa curiosité ne saurait être éveillée.

Je ne sais qui a fait courir le bruit que je suis réfugiée dans un couvent ; je n’ai jamais écrit cela. Quand ma mission actuelle sera accomplie, j’irai me renfermer pour toujours dans tel couvent déjà choisi et que la secte voudrait bien connaître. Voilà la vérité.



La Haute-Maçonnerie ayant constaté l’inutilité de ses efforts pour me découvrir, le F ▽ Nathan jugea que le plus sûr coup de poignard serait l’éclat universel de la négation de mon existence, en lui faisant prendre les proportions d’un scandale prodigieux.

Cela atteindrait le triple but que j’ai exposé tout à l’heure.

Au surplus, l’assassinat brutal a ses inconvénients pour la secte ; on n’y aurait pas eu recours contre Luigi Ferrari, si l’on n’avait pu donner à ce crime les couleurs d’un attentat anarchiste. Aujourd’hui, les révélateurs ont plus à craindre le poison lent que le poignard ou le revolver. Elle serait visible pour le monde entier, la véritable main qui frapperait d’un stylet ou d’une balle M. Léo Taxil, par exemple, lui dont l’œuvre de révélations personnelles est terminée. Contre M. Solutore Zola, qui au contraire peut beaucoup dire, l’exaspération a des chances de se produire : on préférera l’empoisonner, sans doute mais peut-être aussi la fureur sectaire ne raisonnerait pas. Il fera bien de se garder de toutes façons.

Sauf à commettre le crime matériel ensuite, les hauts-maçons ont donc pensé qu’il fallait tenter d’abord le crime de la ruine morale.

Mais comment ?…

Pourquoi n’achèterait-on pas un ou deux des derniers révélateurs ?

Nathan se souvint du mot célèbre de Philippe de Macédoine. Et dans quel ouvrage donc avait-il été parlé de moi pour la première fois ?

Le malheureux, qui allait se laisser tenter par l’or maçonnique et dont la trahison me fait pitié plutôt qu’elle ne m’indigne, a eu son nom jeté à tous les échos de la publicité en cette circonstance. Il a repoussé le pseudonyme