Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je suis en complète communion d’idée avec vous, Très-Saint Vénéré Père. Ah ! vous me lisez peut-être avant que cette lettre vous parvienne. Une voix me murmure a l’oreille : Oui. Que ne puis-je, moi, vous voir à distance ! Votre vue chérie me fortifierait encore. N’importe, comptez sur moi.

« J’arracherai au Traître ses ministres. Oh ! tous mes efforts à cela ! Comptez sur moi, oui, je ne saurais trop vous le redire. Je voudrais pouvoir me multiplier, être en cent endroits à la fois, avoir auprès de moi cent ministres du Traître arrachés à leur superstition et me livrant sans cesse, matin et soir, nuit et jour, des figuiers maudits !… Quelle royale hécatombe !… O-U-461 m’a embrassée de tout son cœur, quand je lui disais cela. L’ennemi peut le haïr ; la haine de l’ennemi n’est pas égale à sa haine contre l’ennemi, et ma haine, à moi, est plus vaste et plus forte que toutes les haines des deux hémisphères.

« Salut, Très-Saint Vénéré Père ! salut en notre Dieu ! salut en notre haine sainte ! salut en l’espoir de délivrer le monde du joug adonaïte ! sept fois salut ! Comptez sur moi. »

0-U-461 signifie Occabys-Ultor, Adriano Lemmi. Decmaker signifie Luigi Revello, couvre-nom d’un prêtre apostat.

Ce style de Sophia était loin de me plaire, au temps de mon erreur ; aujourd’hui, il me fait frémir. Sa haine est sauvage ; ce ne peut être elle qui écrit ainsi, c’est un démon.

Je ne sais pas si Mlle  Walder a réussi à « arracher » de nombreux prêtres « à leur superstition », j’en doute.

Son procédé est déloyal et surtout profanateur ; mais, maintenant que je connais la puissance de la foi, j’ai peine à croire que le piège ait pris beaucoup de ceux contre qui elle l’a pu dresser. Sans doute, la plupart n’auront pas soupçonné le piège, n’auront pas deviné à qui ils avaient affaire.

Sophia profane le tribunal de la pénitence ; du moins, en ce temps-là, c’était un jeu pour elle. Elle va donc s’agenouiller au confessionnal ; elle se dit en voyage, loin de son directeur habituel. Elle se confesse, comme une bonne catholique ; mais, parmi les péchés qu’elle accuse, elle se dit tourmentée par le doute. Depuis quelque temps, fait-elle hypocritement, des idées, qu’elle s’efforce de rejeter, se présentent d’elles-mêmes à son esprit ; n’y aurait-il pas deux Dieux au lieu d’un ? etc. Elle a grand soin de dire qu’elle n’a lu cela dans aucun livre ; à plus forte raison, elle se garde bien de parler de sociétés où l’on professe ces croyances-là. Elle joue l’innocente, la chrétienne désespérée d’être en proie à une telle obsession : elle glisse ainsi ses arguments, peu à peu implorant la pitié du prêtre, mais en se montrant fort troublée et cherchant à communiquer son prétendu trouble, si le ministre de Jésus-Christ ne l’arrête pas dans sa comédie.