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Puis, après quelques instants de cette pénétrante observation, ses lèvres s’ouvrirent de nouveau, et il me dit :

— La foi, ma fille, doit être inséparable de la raison, ou, si elle est contraire à la raison, elle est une foi d’erreur. La voix de ta raison, écoute-la toujours. Oui, je suis ici pour toi seule, et je ne suis qu’ici. Oui, loin d’être un réel attribut divin, l’ubiquité est une invention de folie et d’orgueil. Oui, il est deux éternels principes, le Bien et le Mal, qui constituent l’essence de l’être, qui sont la divinité, et dont le plus haut des deux, c’est-à-dire le bien qui est la lumière, est l’Être Suprême, tandis que l’autre est inférieur et ténèbres. Oui, chacun des deux éternels principes a sa personnalité distincte ; c’est ainsi qu’ils se combattent et agissent l’un contre l’autre, ce qui ne saurait être s’ils s’absorbaient et se confondaient l’un l’autre, ayant ensemble l’entière possession de l’infini. Personnalité suprême, oui donc ; ubiquité, non, non, non. Fille bien-aimée, tu es dans le vrai… Adonaï et son Christ ne sont pas dans les millions d’azymes, l’eucharistie des superstitieux, puisque ni le Christ ni Adonaï ne peuvent être raisonnablement en plusieurs endroits à la fois. L’eucharistie n’est ainsi qu’un symbole de la religion d’erreur. Transpercer l’hostie adonaïte, en s’imaginant meurtrir le Dieu-Mauvais et son Christ, c’est une faiblesse d’esprit, née d’un bon sentiment, mais c’est une faiblesse d’esprit : dédaigne-la aujourd’hui, et persévère dans ta saine opinion ; quand l’heure sera venue, les interprétations erronées des dogmes de la religion sainte seront redressées par toi ; à toi cet honneur… Comprends-le, ma fille, la lumière la plus pure ne parvient pas à tous sans quelque obscurcissement ; les âmes d’élite sont rares. C’est Adonaï qui affaiblit les esprits, même parmi mes fidèles ; c’est lui qui inspire à beaucoup l’absurdité de la haine contre ces azymes, car il les pousse ainsi à croire à son ubiquité, premier pas vers la croyance en un dieu unique… Aie patience, Diana, ma préférée entre toutes. J’ordonne que tu sois ma grande-prêtresse, et que personne n’élève la voix contre tes interprétations de mes dogmes. Va, ma bien-aimée, va ! C’est ma pensée qui t’inspire.

Après cela, je le demande, comment n’aurais-je pas cru posséder, si l’on peut s’exprimer ainsi, l’infaillibilité luciférienne ?

Aujourd’hui, je comprends le mensonge de Satan ; tous, aussi, comprendront qu’une telle hypocrisie est surhumaine.

Convaincue de l’existence d’un Dieu unique, j’ai la foi en son ubiquité, en sa présence partout ; je le crois présent dans le Saint-Sacrement, devant qui je me suis prosternée, le voyant exposé en humble chapelle d’un couvent. Je prie donc les nouveaux amis qui se