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Voilà la vérité que mon orgueil repoussait. Expierai-je assez ma faute, dans l’humiliation que je m’inflige en dévoilant combien je fus coupable, endurcie, rebelle à la lumière de Jésus ? Quelles larmes a dû verser ce bon prêtre en voyant mon obstination !

Cette lettre portait, collée dans le haut de la première page, une fort belle image du Sacré-Cœur. En la recevant, je fus assez perplexe. Devais-je la montrer à Asmodée ?

Je me disais :

— Lucifer et Adonaï se combattant sans trêve par les armées de Baal-Zéboub et de Mikaël, il est certain qu’Asmodée, prince très fidèle à Lucifer, ne sera pas satisfait de me voir lui présenter une figure représentant le Christ. Il entrera en courroux contre moi, et ce sera justice.

J’hésitai pendant cinq jours. Enfin, je ne voulus pas qu’il pût être dit que j’avais reculé devant l’expérience proposée, et je me décidai, quoique à regret.

Le cinquième jour, j’appelai Asmodée. Il m’apparut sans retard. J’avais préparé la lettre ; je l’avais placée, fermée sur un guéridon, et recouverte d’un livre. Alors, je dis à mon fiancé :

— Asmodée, j’ai besoin que vous m’excusiez. L’enseignement que vous m’avez donné pour me faire exécrer le figuier maudit m’a amenée, dans une correspondance dont je n’avais pas pris l’initiative, à tenter de convaincre un ministre de la superstition.

Dès ces premiers mots, Asmodée fronça les sourcils. Ces relations avec un prêtre du Christ, quoique simplement épistolaires, lui déplaisaient à coup sûr. Je plaidai donc les circonstances atténuantes, sans la moindre altération de la vérité.

— C’est lui, repris-je, qui s’est fait mettre en rapports avec votre Diana, Asmodée. J’ai accepté de correspondre, parce qu’on me l’a dit bon, dans son erreur. Il a essayé de vaincre ma foi. Alors, je me suis piquée d’amour-propre, et c’est moi maintenant qui voudrais le convertir à Lucifer.

— Si tu obtenais ce résultat, ce serait un grand bien.

— N’est-ce pas ?… Mais jugez à quel point ce prêtre est éloigné en ce moment d’une conversion… Il m’a mis en quelque sorte au défi de vous montrer sa lettre, cette lettre sur laquelle le traître du Thabor est représenté…

En même temps je lui présentai le papier.

Ce que j’avais prévu arriva. Asmodée se mit en colère.

— Horreur! s’écria-t-il, tu te prépares donc à me trahir ?… La méchanceté d’Adonaï va-t-elle envahir ton âme ?… Ô méchante, méchante, voilà que tu t’apprêtes à te faire chrétienne!…

— Mais non, répliquai-je. Moi chrétienne ?… Jamais ! jamais !…

— C’est une insulte que ce prêtre te fait, alors !… Je le maudis ! je mau-