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pour vivre inconnues dans un monastère, au service des pauvres ? Non, ceci n’est pas naturel, et ne peut le faire qu’une âme appelée à cet état d’En-Haut.

« Pourriez-vous sagement blâmer ces jeunes personnes qui se sont senties capables d’un pareil dévouement ? pourriez-vous dire qu’elles ont commis quelque chose de contraire à la morale en s’obligeant à vivre dans la chasteté et l’innocence, pour pouvoir faire du bien à la partie la plus malheureuse de la société ? Non ; car votre bon cœur ne peut voir là que des âmes d’élite.

« Au reste, ne dites-vous pas que vous avez le droit, vous, d’être vierge ? Pouvez-vous refuser ce droit à quiconque se sent appelé à l’état de virginité ? Ce n’est pas le sang chaud ni le sang glacé qu’il faut faire intervenir pour pouvoir vivre en cet état-là : il faut une force, je le répète, qui doit venir d’En-Haut.

« Permettez-moi maintenant, mademoiselle, de vous dire des choses qui vous regardent de plus près, que j’ai promis de vous dire, des choses que vous n’avez lues ni dans les livres des théologiens ni en aucun autre livre. Voici :

« Vous me dites : « Pour moi, j’ai le droit d’être vierge, puisque je ne songe à aucune union humaine, et puisque je suis toute à l’esprit de lumière qui m’a fait l’honneur de me choisir. » — Eh bien, oui, vous êtes protégée par un esprit ; mais j’affirme avec connaissance de cause, que cet esprit vous trompe en se disant esprit de lumière, quoiqu’il se montre à vous comme tel.

« Écoutez-moi avec votre cœur : je vous donnerai un moyen infaillible pour vous assurer de la vérité de ce que je viens de vous dire.

« Cet esprit qui vous protège est forcé de vous protéger malgré lui, parce que cet esprit n’aime pas l’état de virginité. C’est Notre Seigneur Jésus-Christ qui vous veut vierge, parce qu’un jour vous serez à lui. Ainsi, vous voyez que je suis catégorique.

« Non, ne dites pas que je délire. Voici ce qui vous prouvera que l’esprit qui vous protège le fait malgré lui et forcé par quelqu’un plus fort que lui. La première fois que vous aurez à faire à cet esprit, vous n’avez qu’à lui présenter ma lettre, cette lettre ; vous aurez une preuve palpable qu’il ne vient pas du Dieu bon et qu’il n’a aucune puissance, sinon de faire le mal. Faites-en l’épreuve. Cette lettre n’est ni plus ni moins qu’une feuille de papier, et pourtant il en aura peur.

« Que de choses j’aurais encore à vous dire, si je ne voyais pas que ma lettre déjà repassé toute limite ! Vous dites que vous priez pour moi nous sommes nombreux à prier bien de cœur pour vous.

« Croyez-moi, mademoiselle, avec estime. » (Signature dont je garde le secret.)