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il y a deux personnes : Sophia et Bitru ; Sophia, la victime, et Bitru, le bourreau ; Sophia, créature de Dieu, et Bitru, démon de l’enfer.

Si Lucifer était le Dieu-Bon, est-ce que, par Bitru qui vous possède à l’état latent, il ne vous aurait pas inspiré au moins l’amour des pauvres ?

Non, vous ne pouvez pas raisonner. Ce que j’écris ici, vous le lirez sans doute, puisque vous êtes, je le sais, lectrice assidue de ces Mémoires ; mais ces lignes-ci, vous ne les comprendrez point.

Au temps de mon erreur, ne fus-je pas souvent navrée de vous voir si haineuse ? ne fus-je pas effrayée, pour vous, de constater que l’amour vous était sentiment étranger ? Or, le chagrin de cette constatation ne me fit jamais réfléchir ; nulle velléité d’examen ne germa en ma tête. Comme vous, mademoiselle, j’étais un instrument du Maudit ; comme vous, je ne m’appartenais pas.

Éternelle reconnaissance à Dieu, qui mit des limites à l’empire que le diable exerçait sur moi ! Pitié pour celle de mes ex-Sœurs sur qui l’empire infernal est à ce point absolu, qu’on ne saurait dire, parfois, si elle est femme ou démon !

Il est vrai que les prestiges accomplis par Satan en se servant de Sophia-Sapho sont des plus troublants ; la grande-maîtresse du Lotus de France, Suisse et Belgique nous reporte au temps de Simon le Magicien et d’Apollonius de Tyane. Un vénéré chanoine, de mes amis, m’écrivait récemment qu’à son avis, mon ex-Sœur pourrait bien être un démon ayant pris forme humaine et jouant la comédie d’une existence terrestre ; ce cas s’est produit déjà, m’assure mon correspondant, en me faisant plusieurs citations de la Vie des Saints. Mon opinion n’est point celle-là, toutefois ; non, je suis convaincue que, malgré tout le mystère dont Philéas Walder a su entourer la naissance de sa fille, Sophia est vraiment femme, créature de ce monde, en chair et en os de fait, et non d’apparence seulement.

Une de mes raisons de le croire : l’accident qui lui survint, en 1891, à la suite d’un banquet maçonnique. Ce n’était pas un banquet composé de palladistes seuls, mais une fête de Loge d’Adoption : Sophia s’y était fait inviter sous un de ses innombrables noms d’emprunt ; cependant, une indiscrétion dut être commise, de Sœur palladiste à quelque Sœur imparfaite initiée, sur la personnalité de la visiteuse. Et l’indiscrétion, certainement, n’eut pas lieu au moment même du banquet, puisqu’elle permit ce que Sophia qualifia ensuite « attentat adonaïte » contre sa personne. À mon avis, ce fait n’eut pas pour auteur un catholique : il n’en existe aucun dans les Triangles ; l’aventure du docteur