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29 octobre 1884 (Louisville) ; les ecclésiastiques qui l’ont lue me rendront ce témoignage qu’elle repose uniquement sur l’erreur de mon éducation, qu’elle est blasphématoire, sans l’ombre d’une pensée malhonnête.

J’avais devancé l’initiation de Maîtresse Templière, puisque c’est à ce grade seulement que le nom de Lucifer est prononcé ; je m’étais révélée parfaite initiée dès le premier degré palladique, mais je n’avais aucun soupçon du mal.

Mon oncle n’avait pu venir assister à ma réception ; une malencontreuse attaque de goutte l’avait empêché de se rendre à Louisville, pour cette réunion d’un intérêt si direct pour lui et dont il s’était tant réjoui à l’avance. Mon père ne voulut pas se contenter de lui écrire le résultat : il tint à aller lui en rendre compte, de vive voix ; ce voyage, que ses affaires l’obligèrent à remettre d’une semaine à l’autre, lui fut fatal. Son frère aîné lui rappelant sa promesse, il partit de chez nous le 26 novembre, prit en route un refroidissement auquel il n’attacha pas d’importance, et arriva chez mon oncle déjà fortement atteint par la maladie. Comme il n’en était pas au premier accident de ce genre, et sa robuste santé en ayant toujours triomphé, il pensa qu’il en adviendrait encore de même, se soigna à sa manière, très sommairement, et la pneumonie était à son troisième degré qu’il s’obstinait à se croire une fièvre, un peu plus mauvaise que d’autres, voilà tout ; quand il fallut recourir aux grands moyens d’enrayer le mal, il était trop tard. Il avait défendu de me prévenir, « afin de ne pas me créer une inquiétude inutile ». Il mourut entre les bras de mon oncle, le 4 décembre, cinq semaines à peine après avoir présidé la tenue où me fut donnée l’initiation palladique.

Ce jour-là, je m’étais retirée de bonne heure dans ma chambre. J’étais morose, contre mon habitude, sans savoir pourquoi ; j’avais un vague ennui. J’essayai de le chasser par la lecture, avant de me coucher ; soin inutile, les lignes du livre me devenaient illisibles. Alors, voyant que le sommeil non plus ne venait pas, j’éteignis ma lampe et me renversai dans un fauteuil, agacée et triste tout à la fois, ne sachant quel parti prendre pour retrouver le calme ; je me réfugiais dans l’ombre pour avoir la paix de l’esprit.

Soudain, ma chambre fut éclairée d’une lumière brillante et blanche, intense au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. Je n’en pouvais croire mes yeux ; car c’était la première fois que le phénomène se produisait pour moi. Quelques instants après, je vis, debout, dans le foyer de la clarté, le jeune homme qui à deux reprises m’avait sauvé la vie. Mais