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l’ai séparée, j’ai placé en elle Bengabo, un de mes légionnaires. Il demeurera ici dans l’immobilité, jusqu’au jour où j’aurai à intervenir pour marquer ma faveur toute-puissante à une vestale que je vous destine.

La vestale, à qui le diable faisait allusion, c’était moi ; les chefs du Triangle le comprirent ainsi. Mon père savait que cet Asmodée et mon protecteur ne faisaient qu’un ; mais on me laissa dans l’ignorance de son nom, on ne m’apprit pas ce qui s’était produit au sein de l’atelier palladique. On l’a vu par les dates que j’ai données tout à l’heure, je fus reçue Maîtresse, six semaines après cet événement.

Enfin, le 28 octobre, toujours en la même année 1884, je fus appelée parmi les Onze-Sept, pour recevoir le grade de Chevalière Élue Palladique, 1er degré féminin du Rite Suprême.

L’initiation est satanique, au premier chef ; pourtant, rien n’y laisse deviner les mystères du grade suivant. Alors, j’étais luciférienne de cœur ; mon éducation avait porté ses fruits. Mon père, qui présida ma réception, triomphait. À chacune de mes réponses aux questions qui m’étaient posées, les applaudissements éclataient, enthousiastes. Des hauts-maçons avaient répondu à l’appel du Triangle, venus de villes même éloignées, et de diverses nationalités ; entre autres, des délégués de Charleston et de nombreux membres de la colonie française de la Nouvelle-Orléans.

Moi, j’étais en grande joie. Il me semblait que, daimone incarnée, je déclarais la guerre à Adonaï et que je le provoquais en combat singulier.

Oh ! ma pensée était bien éloignée de l’iniquité honteuse et abominable que j’ai découverte longtemps plus tard dans le Palladisme.

La preuve : mon interprétation du mot de passe du grade. Ce mot est : Lazare, surge (Lazare, lève-toi). J’y vis le symbole de la résurrection du peuple, couché dans le tombeau de la superstition, réveillé par la foudre de Baal-Zéboub, proclamant Lucifer Dieu-Roi, et se levant contre Adonaï le Barbare.

Le lendemain, mon père traitant de nombreux invités, j’étais la reine du festin. Je me plaisais surtout dans la compagnie de nos amis de la Nouvelle-Orléans ; pour leur être agréable et leur montrer aussi que la langue française, la langue de ma mère, est celle dans laquelle je m’exprime le plus volontiers, j’improvisai cette diabolique poésie Résurrection, qui a été imprimée au temps de mon erreur. Je ne la reproduirai point ici ; elle attristerait trop les catholiques, elle troublerait peut-être des âmes ; mais elle a été publiée ailleurs, elle porte bien la date du