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tion et si l’on veut bien tenir compte de ce que mon père était le président et le fondateur du Parfait Triangle The Eleven-Seven (les Onze-Sept), à l’orient de Louisville. J’étais destinée au Palladisme dès sa fondation, dès ma septième année, par conséquent ; je ne devais traverser la Maçonnerie d’Adoption que par pure formalité, attendu qu’aux États-Unis la règle est rigoureuse d’appeler aux Triangles exclusivement les Sœurs possédant déjà le grade de Maîtresse (3e degré).

Et voici bien la preuve que c’était la simple obéissance aux règlements, et rien autre : je reçus les trois premiers degrés d’Adoption, non en une loge androgyne quelconque de Louisville ou d’une autre ville de l’État, mais en tenue extraordinaire de la Grande Loge du Kentucky ; tout se borna, à chaque degré, à l’examen oral, ainsi que les procès-verbaux en font foi.

Ici, je n’ai qu’à mentionner les dates publiées par les écrivains qui se sont occupés de moi, à l’époque de ma première révolte contre Adriano Lemmi ; ces dates ont été données avec exactitude :

Je fus initiée Apprentie Maçonne, le 15 mars 1883 (dix-neuf ans) ; Compagnonne, le 20 décembre 1883 ; Maîtresse, le 1er  mai 1884.

Réservée à la Haute-Maçonnerie, par décret d’Albert Pike, je ne fréquentai pas les Loges ordinaires d’Adoption. Ainsi, en quelque sorte, j’entrai dans les Triangles de plein pied. Les Onze-Sept étaient, tout naturellement, désignés pour me donner l’initiation palladique ; ce qui eut lieu en 1884.

Mais, auparavant, un fait merveilleux s’était produit au Triangle fondé par mon père.

Au vingtième anniversaire de ma naissance, c’est-à-dire le 29 février 1884, — puisque la bizarrerie du sort m’a fait venir au monde en l’épagomène quatriennal du calendrier grégorien[1], — le daimon qui m’avait sauvée deux fois la vie se manifesta à la réunion des Onze-Sept, à Louisville.

Cet épisode, raconté tout au long par le docteur Bataille, est un de ceux auxquels je n’ai aucune rectification à apporter (sauf la date, erreur d’un jour) ; il en est d’autres, me concernant, sur lesquels le docteur n’a pas été très exactement renseigné. Quand je lus, il y a trois ans, le récit du Diable au xixe siècle (livraison 89), je fus fort mortifiée du ton de moquerie du narrateur, au sujet de cette manifestation dont j’étais si fière. En moi-même, je lui en voulus un peu car, à mes yeux plaisanter mon daimon-protecteur était un véritable blasphème. Je

  1. D’où le sobriquet de Sœur Bissextile, que quelques-uns me donnaient dans les Ateliers, par manière de plaisanterie plus ou moins spirituelle.