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domaines des planteurs : des céréales, et surtout du tabac. L’État, dans l’Union, est pour la production du tabac comme l’Hérault en France pour la production du vin ; mieux que cela même ; le Kentucky fournit le tiers du tabac des États-Unis. Lemmi en sait quelque chose !… C’est donc là, en l’un de ces domaines, que mon oncle vit retiré, se désolant de ma conversion et priant Lucifer de ne pas m’écraser dans son courroux : je crains bien qu’à son âge, et opiniâtre comme il est, il ne connaisse jamais la vérité ; mais paix à ce vieillard, à qui je dois une si longue erreur ! je ne commettrai, par un écrit public, aucune indiscrétion pouvant troubler sa retraite…

Ce jour-là, j’avais dû m’éloigner beaucoup, pour retrouver des braves gens, inscrits sur la liste de maman ; et j’étais arrivée bien à-propos ! La visite s’étant prolongée au-delà de mes prévisions, je manquai le stage. Mon père n’aurait pas été en souci à mon sujet ; néanmoins, je me décidai à rentrer à Mauford à pied. Je sais bien que j’aurais mieux fait d’acheter un cheval, pour être revendu à la ville ; mais je ne crains pas la marche, et le temps était si beau !…

Me voilà sur la route ; encore un bois à traverser ; j’apercevrai Mauford tout auprès. Je m’engage dans ce bois. J’y cheminais depuis quelques minutes, quand une bande d’affreux négroes m’entoura, en poussant des cris afin de m’effrayer.

Qui n’a pas habité longtemps l’Union ne peut se rendre compte de ce qu’est cette engeance. Pour ma part, je trouve, même aujourd’hui, très exagérés les reproches du docteur Bataille à l’encontre d’Albert Pike, sur le fait de son commandement de l’armée des peaux-rouges, dans le parti du Sud, pendant la grande guerre. Peut-être cela provient-il de ce que j’ai du sang de peau-rouge dans les veines ; quoiqu’il en soit, je le dirai franchement : autant l’Indien sauvage est bon, loyal, courageux, probe, autant le négroe est traître, lâche, vil, suant tous les vices. Depuis la grande guerre, les hommes de couleur sont la plaie de l’Union. « Hommes de couleur » ou « afro-américains », ainsi s’intitulent les individus de cette espèce ; le nom de nègres, ils le repoussent comme une insulte. Oui, cette espèce, dont la victoire du Nord a fait des citoyens, est un véritable fléau.

Dans la presse de l’Ancien Monde, les causes de la guerre de Sécession ont été mal comprises, en général ; on a cru que la querelle était inspirée par le seul sentiment de la fraternité envers une race ; bref, on a jugé avec des lunettes européennes, sans voir les gros intérêts matériels qui étaient en jeu pour les États du Nord. Aujourd’hui, le revirement s’est accompli dans toute l’opinion américaine, depuis le cap