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C’était un crucifix, qu’il avait placé, la tête en bas, suspendu à la muraille, près de son lit. Ce crucifix, très grand, était en bois, grossièrement sculpté ; un stylet était planté dans l’image du Sauveur, transperçant la place du cœur.

Philalèthe félicita l’adolescent, et dit :

— Il ne faut pas frapper au cœur, mais au nombril.

Et il changea le stylet de place.

Le jeune Charles Blount, en se couchant, ne s’endormait qu’après avoir injurié le Christ, dont l’icône renversée était clouée devant lui.

Au sentiment de beaucoup, Charles Blount fut un athée. Quelle erreur ! Il fut luciférien pratiquant, dès son plus jeune âge. Un grand nombre de ses écrits peuvent paraître, peut-être, d’un impie surtout sceptique ; mais son satanisme de Rose-Croix, mal voilé sous les apparences d’une étude philosophique, se comprend aisément quand on lit la Vie d’Apollonius de Tyane.

Philalèthe était dans sa cinquante-sixième année quand il publia les Experimenta de prœparatione Mercuri Sophici et les Tractatus Tres, ainsi divisés : 1° la Métamorphose des Métaux ; 2° la Préparation du Rubis céleste ; 3° la Source de la Vérité chimique.

Ces trois traités sont des œuvres que leur auteur lui-même jugeait médiocres. Il les écrivit, à ses débuts dans l’alchimie, alors qu’il ignorait le secret des secrets. On s’est demandé pourquoi il les fit imprimer en 1668, puisqu’ils lui paraissaient indignes de lui. Certains ont avancé qu’il voulut faire disparaître ces manuscrits, les détruire, mais que l’imprimeur, les ayant reçus alors qu’il hésitait encore, refusa de les rendre, sous prétexte d’une dette ancienne, et publia malgré l’auteur. Rien n’est plus inexact. Philalèthe était de goûts modestes et n’eût jamais de dettes ; il était dans les meilleures relations d’amitié avec son imprimeur, dont il contribua grandement à faire la fortune. La vérité : il craignait alors d’être allé trop loin dans l’Introïtus Apertus, d’avoir trop permis aux perspicaces de deviner le redoutable secret des Rose-Croix ; en un mot, il redouta de s’être compromis ; et c’est pour réparer l’effet possible de son ouvrage capital, pour jeter le désarroi dans l’esprit des curieux profanes qui cherchent à percer les mystères de l’occultisme socinien, qu’il publiait les Tractatus Tres.

Une traduction française des trois traités existe ; elle fut faite pour la bibliothèque du maréchal d’Estrées. Une réédition latine du premier, seul, s’imprima vingt ans plus tard à Amsterdam. Enfin, ce même premier traité, publié en allemand à Hambourg, en 1705, c’est-à-dire alors que Phitalèthe n’était plus de ce monde depuis longtemps, donne