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— Parce qu’en ces premiers temps il n’y avait pas de tribunaux. C’est Caïn, homme juste, qui le condamna, au tribunal de sa conscience, et il fut à la fois le juge et l’exécuteur.

— Et quel mal Abel avait-il fait ?

— Il adorait Adonaï.

— Alors, il faudrait tuer tous les adorateurs d’Adonaï ?

— Non ! mon enfant ; ils sont victimes de l’erreur ; Abel, au contraire, n’était aucunement dans l’erreur ; il s’avait que l’humanité, qui venait à peine de naître, avait été vouée à la mort et à toutes les souffrances par la méchanceté d’Adonaï ; il savait que sa mère, Eva la Très-Sainte, l’avait enfanté dans les douleurs les plus atroces, par la méchanceté d’Adonaï. Et c’est Adonaï qu’il adorait, au lieu d’adorer le Dieu-Bon, Notre Seigneur Lucifer, de qui l’humanité n’avait reçu que des bienfaits !… Caïn, fidèle serviteur de Lucifer, l’immola ; il accomplit ainsi un grand acte de justice… Tu vois, chère enfant, que notre glorieux ancêtre Thomas a eu raison d’écrire qu’il faut prononcer avec amour le nom de Caïn.

— Moi, si j’avais été Caïn, j’aurais mieux aimé convertir Abel.

— Il n’était pas convertissable.

— Qu’en sais-tu ?… Cela n’est pas dans la Bible, tout ce que tu m’enseignes.

— Si, tout cela y est ; mais le Dieu-Mauvais a empoisonné le monde d’un flot d’erreurs, et peu savent interpréter la Bible… Quand connaîtras l’Apadno et le Livre des Révélations, tu comprendras tout… Seulement, il faut procéder en tout avec ordre, et nous n’en sommes pas encore là.

— Enfin, je veux bien maudire Abel, puisque, papa et toi, vous le maudissez ; mais, dis-moi, mon oncle, lorsque je verrai Dieu-Bon, est-ce qu’il me donnera un peu de pierre philosophale ?… J’en voudrais un gros morceau pour maman ; car tu sais qu’elle n’a jamais assez d’argent à donner à ses pauvres… Oh ! alors, comme j’aimerai Notre-Seigneur Lucifer !…

Les ouvrages de Philalèthe, et principalement les manuscrits provenant de la succession de mon bisaïeul James, étaient, sinon la base de mon enseignement, du moins le point de départ de chaque leçon. Mon père et mon oncle dissertaient à l’occasion d’une phrase, d’un mot, et m’imprégnaient graduellement de tous les dogmes du luciférianisme palladique. Ainsi, tout en recevant goutte à goutte en mon âme la doctrine qui m’était sacro-sainte, je grandissais dans la vénération pour l’illustre ancêtre, Thomas Vaughan.