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découverte, et tu contribueras à accroître la renommée des alchimistes. Travaille, travaille, Adepte de la Rose-Croix. Quand tu auras longtemps travaillé sans succès en vue de ton avide désir, je te dirai toujours : Travaille encore.

« Aujourd’hui, nous t’avons élevé au 9e degré de la Fraternité. Je vais te parler sans voiles ; car maintenant tu peux entendre, ceux qui t’ont élu savent ton âme forte.

« Adepte, écoute bien ceci.

« Quand tu lisais ces pages, tu n’as donc jamais interrogé ta raison ? tu ne lui as jamais demandé quel est ce Dieu-Bon qui est notre Seigneur, notre Roi et notre Souverain Maître ?… Réfléchis, est-ce le Dieu que l’on adore à Rome ?

« Le Dieu du papisme est-il bon ?… Homme, souviens-toi : si ta mémoire est oublieuse, je vais te rappeler tout le mal que le Dieu romain a fait à l’humanité. »

Ici, il y a un long passage que je ne puis reproduire ; il attristerait trop mes lecteurs catholiques, et il m’épouvante quand je le relis. La plume me tomberait des mains, si j’osais essayer de le retranscrire. Ô Dieu d’amour, Divin Père qui avez donné le sang de votre Fils, le sang divinement pur de Jésus, pour racheter les crimes des hommes, quels épouvantables blasphèmes contre votre infinie bonté !…

Philalèthe termine son impie explication en ces termes :

« Homme, toi que nous avons élevé au rang des Mages, je te fais le juge de ce Dieu. Il n’est pas le nôtre.

« Maintenant, as-tu compris ?… Renferme-toi dans la solitude de ta chambre, et prie le Dieu-Bon. Si tu veux te le rendre favorable, prononce avec amour tous les noms des hommes qui sont maudits par les prêtres du Dieu qu’on adore à Rome, depuis Caïn jusqu’à Wiclef, Luther et notre premier grand-maître Fauste Socin. Que ces noms sortent de tes lèvres avec une bénédiction ; alors, si tu es digne de lui, notre Dieu viendra en personne et te donnera cette pierre philosophale que l’Athanor lui-même est impuissant à produire. »

Le jour où, pour la première fois, mon oncle me traduisit ces pages de Thomas Vaughan, je ne pus m’empêcher de lui dire :

— Caïn ! comment prononcerait-on avec amour le nom de Caïn ?

Et me voici donnant libre épanchement à mon horreur pour le premier meurtrier qui ait versé le sang humain sur la terre.

Je répétais :

— Caïn ! Caïn ! l’assassin de son frère ! Dire son nom avec une bénédiction ?… Oh ! mon oncle, oh ! papa, jamais !