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« Trois semaines après, l’étranger reparut. Il refusa encore de faire l’opération ; mais il me fit cadeau d’un peu de sa pierre, à peu près la grosseur d’un grain de millet. Et comme je ne cachai pas mon incrédulité sur l’effet d’une si petite quantité de substance, l’alchimiste en enleva la moitié, disant que le reste était suffisant pour changer en or une once et demie de plomb. Mais il me recommanda bien, au moment de la projection, d’envelopper la pierre philosophale d’un peu de cire, afin de la garantir des fumées du plomb. Puis, il me promit de revenir le lendemain pour assister à l’expérience.

« La journée s’étant passée sans que l’étranger reparût, je n’eus pas la patience de l’attendre un autre jour, et je me mis à l’œuvre. Cette fois, l’opération réussit admirablement. Au bout d’un quart d’heure de fusion, le métal avait pris la couleur de l’or ; coulé et refroidi, c’était un lingot d’or ; dont tous les orfèvres de la Haye estimèrent très haut le degré. »

Voilà ce qu’Helvétius raconte dans son Vitulus aureus. Émerveillé du résultat, il s’adonna dès lors à l’alchimie, cherchant à son tour le moyen de produire la pierre philosophale, mais ne le trouvant pas… jusqu’au jour où, s’étant affilié à la Rose-Croix socinienne, il fut initié, par Thomas Vaughan, au 9e et dernier degré, Magus.

On aura remarqué qu’Helvétius ne dit pas qu’il sut jamais le nom du mystérieux étranger ; dans aucun autre ouvrage, il ne revint sur cette étrange aventure de 1666-1667. Pourtant, l’opinion de ses contemporains fut que cet étranger n’était autre que Philalèthe ; car les relations ultérieures de mon ancêtre avec le Médecin du prince d’Orange furent connues. Lenglet-Dufresnoy relate cette opinion comme très accréditée ; Louis Figuier la rapporte aussi et ne paraît pas douter de son exactitude. En tout cas, il est bien certain qu’Helvétius devint un des adeptes les plus actifs de la Rose-Croix, puisqu’il en fut le grand-maître de 1693 à 1709, année de sa mort. Mais les preuves mêmes de l’initiation donnée par Thomas Vaughan existent dans les Notes de Philalèthe pour les parfaits initiés, et Louis Figuier, en sa qualité de franc-maçon occultiste, n’a pas dû les ignorer. J’y viendrai tout-à-l’heure, en reproduisant quelques extraits de ces Notes, notamment ceux où il enseigne, aux Mages seuls, comment s’obtient la pierre philosophale, comment un rose-croix élu au dernier degré peut avoir de l’or à volonté.

Auparavant, je dois parler de son plus important ouvrage connu, l’Introïtus apertus, dont mon père et mon oncle en m’instruisant, m’ont expliqué tout ce qui ne peut être compris que par les élus du prétendu