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Mon ancêtre raconte qu’il eut, plusieurs fois, la visite du défunt, se manifestant à lui comme spectre, visible, mais non parlant, ni tangible.

Philalèthe lui posait des questions pouvant se résoudre par une réponse affirmative ou négative. Le fantôme répondait « oui » ou « non », d’un signe de tête.

En 1654, ce fut Valentin Andreæ qui mourut, à Stuttgard, dans les honneurs de la prélature protestante. Ses contemporains ne soupçonnèrent jamais le rôle qu’il joua en Europe, à la tête de la Rose-Croix socinienne ; pendant longtemps, beaucoup même considérèrent ses ouvrages, où il faisait connaître l’existence de la Fraternité, comme persiflage et satire de la magie et de la théosophie ! La lumière ne commença à se faire, un peu, très peu, sur son compte, qu’a partir du dix-huitième siècle. Le franc-maçon Herder, le continuateur de Lessing, le grand ami de d’Alembert et Diderot, a le premier laissé comprendre, en parfait initié, dans ses Idées sur la philosophie de l’histoire de l’humanité, que Valentin Andreæ n’était pas ce que l’on avait cru. Il juge que trois des ouvrages du chapelain du duc de Brunswick-Wolfenbuttel (la Reipublicæ Christianopolitanæ descriptio, le Turris Babel judiciorum de Fraternitate Rosaceæ-Crucis chaos, et la Christianæ societatis Idea) ouvrent des aperçus suffisamment clairs sur l’organisation, non en projet, d’une société secrète destinée à détruire l’Église romaine ; et Herder, appréciant au point de vue doctrinal, dit : « Valentin Andreæ, dans ces livres, exprime des vérités que nous oserions à peine dire aujourd’hui, quoique nous soyons plus avancés d’un siècle. »

Thomas Vaughan était à Amsterdam, quand mourut le grand-maître de la Rose-Croix.

Ce qu’il rapporte vaut la peine d’être reproduit ; je traduis textuellement :

« J’étais occupé à distiller de l’esprit de nitre ; la vapeur rouge se dégageait et s’élevait. Soudain, je fus rejeté en arrière, renversé sur le sol, et je poussai un cri, ne sachant ce qui m’arrivait.

« Tout avait disparu autour de moi ; quand je me relevai, la chambre était vide, les murs nus. Et voici que j’entendis une immense clameur, lointaine d’abord, ensuite se rapprochant : et les murailles de l’appartement s’élargissaient ; et voici que je me trouvai seul dans une salle des plus vastes ; et elle s’agrandissait encore de tous côtés, excepté en hauteur.

« Alors, un aigle parut, portant le frère Minutatim, que je savais en Suède ; puis, un lion ailé, portant le frère Serenus, que je savais en Silésie ; puis, un taureau ailé, portant le frère Procubans, que je savais en Angleterre. »