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Cette mission de Francesco Borri est des plus étranges, et voici en quoi elle consistait : discréditer le catholicisme par un zèle outré. Donc, déloyauté. En secret, Borri appartenait à la Rose-Croix. Ces façons d’agir sont indignes toujours, toujours je les ai blâmées.

Qui porta à Borri le projet arrêté par les chefs de la Fraternité ? On l’ignore. Je n’ai pas non plus la date exacte à laquelle il fut affilié.

Cet homme avait eu une immorale jeunesse. Qui le recruta ? Je l’ignore aussi. Pourtant, on le représente vertueux, à l’époque où il s’était enrôlé sous l’étendard de Lucifer, comme alchimiste de la Rose-Croix ; sans doute, c’était là hypocrisie, afin de mieux jouer son rôle. Il n’avoua jamais son satanisme, certes ; au contraire, il parlait aux foules au nom de l’archange saint Michel, qui lui avait remis, affirmait-il, une épée merveilleuse, forgée dans le ciel.

Il affectait une grande dévotion pour l’Eucharistie. Il soutenait que non seulement le Christ est présent dans l’hostie consacrée, mais encore la Très Sainte Vierge, à qui il donnait une nature divine ; elle avait été, disait-il, conçue par Dieu le Père, conçue par inspiration ; il l’égalait presque à la première personne de la Sainte Trinité, et, d’autre part, il attribuait un rang inférieur au Fils et au Saint-Esprit. C’était le bouleversement du dogme catholique.

Telle était sa prédication, en vertu du mot d’ordre donné par les chefs de la Rose-Croix.

Il réussit à faire un certain nombre de dupes ; il troubla beaucoup la paix de l’Église, en Italie. Le Saint-Office ordonna des poursuites contre ; lui mais il réussit à s’enfuir. Les sociniens italiens lui fournirent les moyens de gagner Strasbourg ; de là, il se rendait à Amsterdam, où les rose-croix ses confrères lui firent un accueil enthousiaste. On note encore un séjour de lui à Hambourg, et un autre à Copenhague, où il écrivit des lettres sur la façon de préparer la pierre philosophale. Mais c’est en Suède qu’il demeura le plus longtemps ; là, grâce à l’appui de Lodwijk van Geer, il eut la faveur d’Oxenstiern et soutira des sommes considérables à la reine Christine, qui, avant sa conversion, crut quelque temps au pouvoir surnaturel des mystérieux kabbalistes et alchimistes, sana soupçonner pourtant leur satanisme.

Borri eut encore des déplacements à travers l’Europe. Messager de la Fraternité socinienne, il semait partout la haine de l’Église.

Philalèthe rapporte qu’il avait pour épouse une salamandre. Elle se nommait Elkbamstar.

« Un jouir, le frère Borrus nous annonça qu’il allait nous présenter son épouse. Il fit fermer toutes les portes de la maison, une vieille