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chapitre 1er 

Lucifer au Sanctum Regnum

J’avais vingt-cinq ans un mois et huit jours, lorsque je fus l’objet d’une présentation officielle à Lucifer, c’est-à-dire lorsque je vis pour la première fois Celui qui se dit le rival du Dieu des chrétiens et son éternel supérieur. Trois jours auparavant, il avait demandé mon hommage ; le 8 avril 1889, jour de lundi, je le lui offris, au Sanctum Regnum de Charleston. Date funeste, qu’aujourd’hui je maudis, et dont, trompée, j’ai tiré gloire pendant plus de six ans !

Dans de nombreux journaux et livres, on s’est occupé de moi, en ces dernières années. Tout récemment encore, je lisais dans le Figaro (15 juin 1895, supplément) un article de M. Huysmans sur le satanisme et la magie : ignorant que j’ai eu le bonheur d’ouvrir les yeux à la lumière du vrai Dieu et que j’ai renoncé à Satan pour toujours, l’auteur me malmène quelque peu ; mais aucunement je ne lui en garde rancune. Toutefois, il commet à mon égard une erreur qui m’est sensible, et dont je fais rectification dès le début de ces Mémoires. M. Huysmans, par son article, me paraît assez bien renseigné sur le Palladisme, et sa distinction entre les Lucifériens et les Satanistes, — il dit : Sataniques, — est très exacte en ce qui concerne la séparation absolue des deux camps. Mais il se trompe en attribuant aux Lucifériens palladistes le vol d’hosties consacrées, accompli avec une rare audace à Notre-Dame de Paris, il y a un an, qui a tant et justement ému les catholiques du monde entier. De ses déductions mêlées à une citation de la revue que j’ai cessée, il semble même ressortir, au moins sous forme d’insinuation, que le groupe dissident dont je faisais partie est coupable de ce sacrilège vol. Alors, à la réflexion de ceux qui adopteraient le soupçon de M. Huysmans, il s’ensuivrait, dans leur pensée, que c’est par une indigne hypocrisie que j’ai protesté, quand mes protestations ont été publiques, contre les profanations des Saintes-Espèces. Ce soupçon, je ne dois pas le laisser planer sur ma vie passée, tout en confessant hautement mes autres erreurs.

MM. le docteur Bataille, de la Rive, Margiotta, et beaucoup de journalistes catholiques, à leur suite, m’ont rendu meilleure justice ; je ne saurais trop remercier ceux-ci.