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Dieu-Bon. Je jetai dans un brasier le linge où le sang de Laud s’était figé, et quand il fut consumé, je m’écriai, en prosternant ma face contre terre :

« — Seigneur, bon Seigneur, divin Esprit régnant sur l’univers, vous dont le souffle anime le chaos et crée les mondes, vous l’excellent et le suprême pur, Feu vivant et purificateur, éternel Amour, invisible Roi des cieux supérieurs, soyez visible à votre serviteur fidèle, et daignez paraître pour lui donner la science et la force qui lui manquent encore. Bon Seigneur, paraissez et me consacrez Mage pour vous servir à jamais et travailler avec infatigable zèle à l’oeuvre qui vous est chère. Éternel Seigneur Lucifer ! éternel Seigneur Lucifer ! éternel Seigneur Lucifer! »

« Quand je relevai la tête, je vis la chambre pleine d’éclairs, et cependant les éclats du tonnerre que j’entendis en même temps étaient très lointains ; puis, le bon Seigneur fut tout à coup devant moi dans le troisième cercle intérieur au triangle.

« Au-dessus du brasier, qui se mit à dégager une épaisse fumée grise, un spectre humain se forma de cette fumée elle-même. Le spectre se nomma à moi et me dit être Fauste Socin, le premier souverain-maître de la Rose-Croix. Il me tendit une de ses mains ; je voulus la baiser, mais je ne rencontrai rien sous mes lèvres. Pourtant, le spectre tenait en son autre main une épée, et elle n’était nullement une vaine apparence ; bientôt j’en eus la preuve.

« Le dieu me parla longuement. Il m’instruisit de ses desseins ; il me fit connaître la future gloire de la Fraternité, dont j’étais désormais un des chefs ; il me sacra successeur du patriarche Fauste, après le patriarche Valentin. Enfin, il me demanda ce que je désirais.

« — Trente-trois ans de vie encore », lui répondis-je.

« Il prit alors l’épée que le spectre tenait et en posa la lame à plat sur ma tête ; je sentis le poids de l’arme ; elle n’était donc pas une apparence, une vapeur, comme le spectre de Fauste. Le dieu frappa, de son doigt, trente-trois petits coups sur l’épée, et il dit :

« — Tu vivras trente-trois ans, selon ton désir ; mais tu ne mourras point de mort humaine. À pareil jour, dans trente-trois années, je te transporterai vivant dans mon éternel royaume ; ainsi, tu n’auras pas de sépulture sur la terre, et tu vivras, d’un corps glorifié, dans les pures flammes du Ciel de feu. »

« Le dieu me dit encore :

« — Tu traverseras de nouveau l’Océan, et là-bas je t’enverrai Vénus-Astarté elle-même, qui sera ton épouse, qui vivra avec toi