Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voici le temps où il se lie avec Elias Ashmole. Retenons : voici l’histoire vraie des origines de la Franc-Maçonnerie sectaire ; et je poursuis ma rectification de nombreuses erreurs qui ont cours.

D’abord, une erreur assez répandue, du moins en France, parmi quelques catholiques passionnés pour l’étude des questions maçonniques, c’est celle qui consiste à croire Elias Ashmole issu de famille juive. Plusieurs m’ont écrit à ce sujet, en me faisant part de leur opinion sur l’action des juifs dans la Franc-Maçonnerie, et cette action influente est incontestable ; mais il ne faut pas aller trop loin. La secte n’est ni d’origine protestante, comme l’avance M. Léo Taxil, qui a eu le tort de ne pas faire remonter ses recherches à plus haut que 1717, ni d’origine juive, comme le croient les antisémites ; elle est d’origine socinienne, absolument.

Double cause de l’erreur française sur Ashmole : il vint souvent à Oxford et y fut étudiant, or il y avait une école rabbinique à Oxford ; en outre, il est certain qu’il eut pour maitre le rabbin Salomon Frank, de qui il apprit l’hébreu.

On peut dire encore que son prénom (Elias ou Élie) et celui de son père (Simon) ont contribué à tromper les anti-maçons de France : mais ces prénoms ne prouvent rien ; car, en Angleterre, à la naissance d’un enfant, autrefois comme aujourd’hui, souvent on choisit le prénom dans l’Ancien Testament. On peut tirer aussi certaines inductions morales de son caractère, de sa manière de vivre : il était cupide, poursuivant la fortune par tous les moyens ; ainsi, âgé de trente-deux ans, il épousa une femme qui en avait cinquante-trois, lady Mainwairing, veuve de trois maris et mère d’enfants dont l’aîné, aussi âgé que lui et désapprouvant ce mariage, tenta de le tuer ; cette dame, plus riche encore que mûre, était une parente de sa première femme, car lui aussi était veuf ; et longtemps après, étant veuf pour la seconde fois, il épousa, à cinquante-un ans, toujours pour le même motif de lucre, une toute jeune fille, miss Dugdale, fille de sir William Dugdale, héraut d’atouts de Windsor, que le roi Charles II comblait de ses faveurs. Au moral, Elias Ashmole fut un personnage assez malpropre ; en 1637, sa seconde femme plaida contre lui en séparation, en faisant valoir des arguments qui le montrent sans aucune dignité. Sa principale passion fut l’acquisitiveness, la soif d’acquérir.

Il me répugnait, et j’ai quelquefois disputé à son sujet contre mon père et mon oncle, trop enclins à fermer les yeux sur ses vices, en raison de son zèle de rosicrucian et de sa collaboration avec notre ancêtre Thomas Vaughan.