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ses livres postérieurs (Lux in tenebris), qu’il se montrera nettement adepte de l’occultisme et que son sentiment luciférien sera plus marqué.

Thomas Vaughan était devenu un homme, pendant ce temps-là. À vingt-quatre ans (1636), il allait à Londres et se liait avec Robert Fludd. C’est cette liaison qui décida de sa vie. Fludd était alchimiste, socinien et Rose-Croix de la première heure. Pourtant, il ne ressort d’aucun des écrits de Philalèthe que Fludd lui donna toute l’initiation ; il se borna à lui enseigner les mystères de la Croix d’Or, qui étaient la préparation. Les grades de Zelator à Philosophus sont de la Croix d’Or, et l’on entre à la Rose-Croix qu’en recevant le grade d’Adeptus Minor (5e degré). Mais Fludd voyait dans le jeune échappé d’Oxford un futur luciférien, et il avait la plus grande confiance en son avenir. L’ayant imbu d’une partie de ses idées et se réservant de compléter plus tard son instruction d’adepte, il lui conseilla de voyager. Il l’avait eu auprès de lui durant une année presque entière.

Une des lettres de recommandation qu’il lui donna pour le grand-maitre Andreæ, et que celui-ci lui rendit en 1640 par l’intermédiaire de Komenski, est fort curieuse.

Robert Fludd, écrivant au Summus Magister, s’exprime ainsi (je traduis, les Rose-Croix s’écrivaient en latin) :

« Le jeune homme qui te remettra cette lettre est choisi par notre Dieu pour de hautes destinées. Il fera de si grandes choses, qu’il devrait remplir le monde de l’éclat de son nom ; mais sa personnalité disparaîtra dans la grandeur de l’œuvre. Notre Dieu veut qu’il soit ton successeur. Toutefois, accueille-le sans lui laisser soupçonner son avenir dans notre Fraternité. L’heure n’est point encore venue de lui découvrir nos derniers secrets ; il faut qu’il connaisse d’abord les hommes et qu’il voie de près, en voyageant, la perversité de nos ennemis.

« Je ne sais s’il y aura d’autres illustrations dans sa famille ; le Dieu des Mages est demeuré muet à ma question. Il s’irrita, quand j’insistai, et ne voulut me parler, que de mon disciple. Le nom de sa famille serait-il destiné à être maudit dans la suite des siècles ?

« Quant à lui, traitons-le comme il le mérite. Notre Dieu affirme qu’il aura une descendance, sans pourtant épouser jamais une fille des humains. Vénus elle-même vivra avec lui sur terre, au lointain pays qui est au-delà de l’Océan (en Amérique), et lui donnera une fille dont le nom signifiera celui de notre Dieu.

« Interroge, toi aussi, le Très-Haut sur ce prédestiné. Quand tu auras vu le jeune homme, dirige-le vers Fidelis (nom de Rose-Croix