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Baal-Zéboub n’apparaissait toujours pas.

Une scène alors se passa, que la plume peut à peine décrire.

Deux solides gaillards, parmi les assistants, se détachèrent et soulevèrent une lourde dalle sur le sol. De l’excavation qu’ils ouvrirent ainsi, une odeur, plus épouvantable que toutes les autres, monta, et un spectacle sans nom s’offrit à mes regards. Une huitaine d’individus étaient là dans ce cloaque, étendus, pourrissant littéralement tout vivants ; c’étaient encore des fakirs. Il y en avait d’autres, morts, auprès d’eux, squelettes décharnés et cadavres où les vers grouillaient.

Mac-Benac ! Mac-Benac ! cria le grand-maître, avec une béatitude sinistre.

Ceux de ces fakirs qui étaient encore vivants furent sortis du caveau et assis sur le sol devant le Baphomet : ils tombaient absolument en putrilage, en bouillie, par décomposition ; on voyait leurs os blancs à nu dans les vastes plaies dont ils étaient couverts. Ces hommes n’avaient plus rien d’humain.

Au milieu de la salle, on souleva d’autres dalles, sous lesquelles se trouvaient encore des vivants à demi-pourris et des cadavres. Le temple était ainsi transformé en un cimetière infernal.

Un maître des cérémonies saisit une flûte faite d’une courge et souffla dedans avec des modulations étranges. De tous côtés, on vit sortir des serpents, des grosses araignées aux pattes velues, des crapauds hideux.

Tanqam ! tanqam ! glapissait le grand-maître.

Trois hommes saisirent, au hasard, un des fakirs encore vivants, le hissèrent sur le marbre de l’autel du Baphomet, et là, le grand-maître l’égorgea avec une serpe ritualistique qui lui fut remise ; cela, au milieu d’horribles imprécations. Le sang jaillit et éclaboussa les autres fakirs ainsi que le bouc. Le grand-maître plongea ses doigts dans la blessure et aspergea de sang le Baphomet. C’est ce sacrifice humain qui est le « tanqam ».

Et, tandis que les serpents sifflaient, dressés sur leur queue, les joues gonflées de venin, tandis que le grand-maître récitait les formules de la liturgie satanique, que les crapauds croassaient, et que, sur cet ensemble, la voix des fakirs murés s’entendait, se mêlant aux imprécations et aux blasphèmes, tandis que le bouc secouait encore ses pattes dans un dernier spasme d’agonie, au milieu du temple luciférien, devant le trépied vide, la femme, toujours debout et impassible, regardait son avant-bras qui achevait de rôtir.

Enfin, encore une fois, dans un profond silence fait tout à coup, le grand-maître hurla :

— Baal-Zéboub !… Baal-Zéboub !… Baal-Zéboub !…