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tants de la bande, parce qu’on craignait que Zabulon n’exécutât pas sa promesse.

« Le père Élisée, qui était exorciste de la sœur Claire depuis la mort du père Lactance, vint lui-même interroger les démons de la mère prieure. Béhémoth dit que Zabulon avait fait un mensonge, et qu’il était obligé de l’en avertir. Le père lui répondit : « C’est toi qui es un menteur. ». Et se fiant à la promesse solennelle de son diable, il soutint à Béhémoth que cela arriverait quoi qu’il en dît. « Il n’en arrivera, repartit Béhémoth, que confusion pour toi et pour ton ordre… »

« Cependant, comme chacun espérait de voir des merveilles en cette sortie, en arrêta que le jour de Noël, à midi, on ferait une procession solennelle où assisteraient tous les exorcistes, et que la fille possédée serait menée dans l’église du château, où elle serait placée dans un lieu éminent. Chacun faisait effort pour avoir une bonne place, afin de voir le signe que le démon avait promis. Toute l’après-dinée se passa en prières, en chants, en exorcismes ; on attendit jusqu’à cinq heures du soir, et Zabulon ne sortit point. On ne savait que dire, sinon que les démons étaient de vrais menteurs.

« De plus, depuis plusieurs mois, les démons disaient que la mère-prieure était grosse. En effet, il y en avait toutes les apparences ; ils prétendaient par là perdre de réputation cette pauvre fille et la désespérer. Mais, le jour de la Circoncision de l’an 1635, le démon dit que la Sainte Vierge la contraignait de faire rejeter à la mère toutes les humeurs qui causaient cette grossesse apparente ; elle les vomit en effet durant l’exorcisme, pendant l’espace de deux heures ; de quoi plusieurs personnes de qualité furent témoins ; entre autres, l’évêque de Nîmes, qui écrivit à Son Éminence pour lui rendre compte de ce qu’il avait vu…

« Toutes les églises de Loudun étaient alors occupées par les exorcistes, et le concours de peuples était prodigieux pour voir tout ce qui se passait. Les exorcistes travaillaient beaucoup ; il n’y en eut pas un seul qui ne fût obsédé, et je le fus moi-même tout le premier. »

La mère prieure fut quelque temps sans pouvoir donner sa confiance à son nouvel exorciste ; mais enfin, frappée des révélations que Dieu fit au père Surin de ses peines et tentations intérieures, elle finit par lui ouvrir son cœur. « Isacaron, dit celui-ci, qui jusque-là l’avait tenue dans la réserve, conçut une rage furieuse de ce changement. » Dès lors, la guerre fut déclarée entre le démon et l’exorciste : « Nous continuâmes tous les deux à nous dire cent choses, et à nous faire un défi général et une déclaration de combat à toute outrance. Le démon parlait par la bouche de la possédée ; cela arrivait ordinairement le soir, dans un parloir qui répond à l’église, en la seule présence de Dieu et de ses saints