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assez longue, dans une salle de trente mètres carrés environ, où les dix Indiens s’agenouillèrent et où, tout en embrassant le sol, ils entonnèrent une sorte de cantique en vrai charabia de toutes les langues orientales.

Cette salle donnait ouverture sur un très long corridor, sorte de tranchée souterraine dans laquelle nous nous engageâmes après que les Indiens eurent terminé leur chant et leurs embrassades à la terre. Dans la salle, il y avait des torches allumées, dont mes guides prirent quelques-unes. Nous marchâmes ainsi fort longtemps, à cette lueur. Au bout du corridor, nous trouvâmes une autre salle semblable à la première, avec un escalier semblable à l’autre ; nous le gravîmes. Une dalle recouvrait l’orifice. L’Indien, qui était en tête de file, frappa onze coups contre la dalle, et celle-ci fut aussitôt soulevée par un nouvel Indien, qui échangea un court dialogue en ourdou-zaban, idiome indien issu du prakrit, dérivé du sanscrit, du persan et de l’arabe ; c’est la langue la plus répandue de l’Inde, celle que l’on parle dans toutes les villes et dont les Anglais surtout se servent dans leurs rapports avec les indigènes.

Les onze coups frappés sur la dalle avaient résonné comme si au-dessus était un vide immense. En effet, en parvenant aux dernières marches de l’escalier, je vis, l’orifice étant ouvert, un espace considérable au-dessus de moi.

— Nous voici arrivés, me glissa dans l’oreille mon cicerone ; c’est ici le temple du vrai Brahma, Lucif… Mais il vous faut, à vous, quelques instants encore avant de pénétrer.

Il monta, après les neuf autres, et je demeurai sur les dernières marches, la tête un peu au-dessous de l’orifice. Comme je n’appartenais pas au rite des Fakirs lucifériens, mais que je m’étais présenté en visiteur pourvu des hauts grades cabalistiques de Memphis, il fallait, malgré même le lingam ailé qui me servait de passeport, que je pusse donner le mot de mon rite ; car les occultistes de tous pays se tiennent en garde contre les visiteurs étrangers qui pourraient s’introduire frauduleusement chez eux à l’aide de diplômes et d’insignes volés. Or, je l’ai dit, les diverses sectes ne sont en communication entre elles que par les membres des plus hauts grades. Il y a donc, dans chaque assemblée, un frère connaissant les mots de passe des grades cabalistiques de tous les rites, lesquels mots sont au surplus inscrits en chiffres d’un alphabet secret sur un registre spécial.

Cette fois, ce ne fut pas un Indien qui vint me tuiler. Au-dessus de moi, parut une tête d’Européen, qui me dit :

Isis.

Osiris, répondis-je.